
Portrait
Nicolas Gougain, un garçon discret propulsé héraut du mariage homosexuel
"C'est pas une vie", s'amuse Nicolas Gougain lorsque son téléphone sonne pour la énième fois. Porte-parole de l'Inter-LGBT, ce grand brun de 28 ans est devenu en quelques mois la tête de pont du mouvement pour le mariage homosexuel.
E-llico.com / Actus
Nicolas Gougain, un garçon discret propulsé héraut du mariage homosexuel
Portrait
Mis en ligne le 18/01/2013
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Visage d'enfant sage à lunettes évoquant Harry Potter, il est l'antithèse de la catholique déjantée Frigide Barjot, tête de gondole des opposants. Cet homme médiatique semblerait presque timide - "discret", nuance-t-il.
Né en 1984 à Saint-Etienne, il obtient un bac scientifique en 2002 puis une licence de musicologie, tout en enseignant le piano qu'il étudie au conservatoire. Il dit être tombé dans le militantisme par "un concours de circonstances" à l'Unef, premier syndicat étudiant: "une place se libère au bureau national, et en 2005 je monte à Paris".
"J'ai vécu de l'intérieur le mouvement anti-CPE (Contrat première embauche, 2006), voyagé dans tout le pays pour aider les militants, beaucoup observé, baigné longtemps dans une ambiance de débats passionnés".
Dès sa rencontre en 2008 avec l'Inter-LGBT, fédération d'une soixantaine d'associations, il commence son lobbying politique.
Parce que "qu'est-ce qu'on défend? L'amélioration de la vie quotidienne, un combat plus que juste, (...) pas des droits différents, juste l'égalité", s'enflamme-t-il.
A la rentrée 2010, nouvelles responsabilités: "l'Inter-LGBT changeait de porte-parole, plusieurs responsables m'ont poussé".
Il en profite pour dire son homosexualité à ses parents: "mon militantisme m'a permis de m'affirmer pleinement. Ils ont bien réagi".
"Serein face à une opposition très structurée"
Commencent deux années de préparation à la présidentielle. Le 31 mars 2012, une soirée LGBT aux Folies-Bergères marque un tournant: "On a eu Jean-Luc Mélenchon, Eva Joly, Najat Vallaud-Belkacem pour François Hollande, Geoffroy Didier pour Sarkozy. C'est monté crescendo: la campagne, notre prise de position entre les deux tours pour Hollande..."
Le fonctionnement de l'Inter-LGBT, "lourd et exigeant", ne facilite rien "mais c'est pour ça qu'on est crédibles", estime Nicolas Gougain: "chaque communiqué de presse est discuté avec nos associations", "il faut toujours trouver le consensus", "trancher, faire la synthèse".
"Tenir ce point d'équilibre est difficile", explique-t-il, "mais je suis bénévole, ça me permet d'être à l'aise, de ne pas être dans une logique de carrière".
Lorsque le candidat socialiste l'emporte, "je me suis dit 'tout reste à faire'. Pendant l'été, on prend plein de rendez-vous avec des politiques, des journalistes. Tout le monde comprend que ça sera le gros sujet de la rentrée", lorsque commencera le débat sur le mariage, l'adoption et la procréation médicalement assistée (PMA) pour les homosexuels.
"Je savais que la loi passerait. C'est pour ça que dès le début, on a mis le curseur sur 'pourquoi cette loi': la sécurisation des familles et l'égalité des droits. (...) On se voulait pédagogues, d'autant qu'il y a beaucoup d'agitation en face, ça joue sur les peurs".
La décision gouvernementale sur la PMA, qui sera finalement dans une loi séparée, l'a "agacé" mais "on réussira".
Aujourd'hui, il veut "voir aboutir les projets de loi et réussir à tout mener de front": vie professionnelle - il est cadre dans une mutuelle santé - et vie militante, sous "pression grandissante".
"Il faut rester serein face à une opposition très structurée. Il faut garder un cap, ne pas se laisser impressionner".
Sur sa vie privée, il reste discret. "Je suis en couple depuis deux mois et heureux. En couple, et dans la vie". Trop tôt pour parler mariage. En privé s'entend, parce qu'en public, "s'il faut continuer encore des années, on continuera".
(Source AFP)