Au coeur de Paris, la BAC collée aux basques des livreurs de drogues - Drogues

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Au coeur de Paris, la BAC collée aux basques des livreurs de drogues

A deux pas du Centre Pompidou, une trentenaire sort d'un restaurant et retrouve son jeune dealer venu de banlieue parisienne. Trois billets de 20 euros contre un gramme de cocaïne, qu'elle enfonce rapidement dans son sac. Nathalie*, policière en civil, ne rate pas une miette de la scène.

E-llico.com / Actus

Au coeur de Paris, la BAC collée aux basques des livreurs de drogues
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Mis en ligne le 26/12/2021

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La brigadière, en poste à la Brigade anticriminalité (BAC) de Paris Centre (1er, 2e, 3e et 4e arrondissements), avait pris en filature le trafiquant, un mineur de 17 ans, repéré quelques minutes plus tôt à la sortie d'une bouche de métro. "Il était le nez sur son portable, semblait chercher une rue et vérifier autour de lui qu'il n'était pas observé.

Cette fois, ça a marché mais neuf fois sur dix ça ne donne rien", explique-t-elle pour justifier son intuition. Seule, elle renonce à interpeller l'acheteuse mais poursuit la "filoche" du dealer dans le métro parisien, rejointe par ses deux collègues, le major Lucas* et le brigadier-chef Li*.

Le trio passe finalement les menottes au jeune homme sur le quai du RER C qu'il s'apprêtait à emprunter pour rentrer au domicile de ses parents dans le Val-de-Marne. Sans résistance, il sort la marchandise dissimulée dans son boxer. Au total, une petite dizaine de capsules de cocaïne, quelques pochons de crack et des pilules d'ecstasy. "Les livreurs à pied, c'est moins fréquent car plus risqué. Les chances de se faire contrôler pour d'autres infractions sont plus importantes", relève le major Lucas.

Plus de femmes 

Un peu plus tard, un second équipage de la Bac repère une citadine garée grossièrement sur un bout de trottoir de la rue Saint-Denis, dans le quartier touristique des Halles. Son conducteur pénètre dans le hall d'un immeuble, discrètement suivi par les policiers qui se sont fait ouvrir la porte par une habitante arrivée au même moment. A travers la porte vitrée de la cage d'escalier, ils observent la transaction sur le palier du premier étage et cueillent l'homme sur le chemin du retour. Sur lui, une quarantaine de sachets de 3-MMC, une drogue de synthèse notamment prisée du milieu festif gay, d'une valeur de près de 1.500 euros au détail.

"On fait en moyenne une trentaine d'affaires de livraisons de drogue par mois", explique le lieutenant Maxime, responsable de la BAC et de la brigade territoriale de contact (BTC, en tenue) de Paris Centre. Les réseaux de livraison type "Uber Shit", qui existaient avant la crise sanitaire, ont profité des deux confinements pour grossir leur clientèle et adapter leurs méthodes. "Ils ont intégré de plus en plus de femmes, des novices peu ou pas connus des services, et ont arrêté d'utiliser leurs véhicules 'de guerre' (volés, NDLR), en mauvais état, remplacés par des petites voitures de location", développe l'officier. "On a vu des mères de famille, des étudiantes, qui se sont mises à livrer parce que la crise a créé de la misère", rapporte "Boubou", un "baqueux" expérimenté. 

Localiser "la nourrice" 

Le livreur, petite main au service des trafiquants, est souvent la porte d'entrée des policiers de la Brigade des enquêtes d'initiative (BEI) chargés de remonter une partie de l'organisation. "On exploite son téléphone, ses fadettes, ses comptes en banque, on perquisitionne son logement", liste le brigadier Antoine*. L'objectif est de localiser "la nourrice", le lieu de stockage de la drogue, en général installée dans les arrondissements du nord-est de la capitale ou en Seine-Saint-Denis. C'est là que le livreur se fournit avant de se rendre à l'adresse que le client a communiquée par messagerie cryptée à une centrale d'appel, dont les numéros circulent sur les réseaux sociaux comme Snapchat ou TikTok.

"Dans la majorité des cas, l'enquête s'arrête au niveau clients-livreurs mais on essaie de plus en plus d'identifier la nourrice et la centrale d'appel", souligne la commissaire Hélène Thorel, cheffe du service d'investigation de proximité de Paris Centre. En septembre, ses enquêteurs ont saisi dans l'une d'elles plus de 500 pochons d'un gramme de cocaïne, d'une valeur de 36.000 euros au détail. Deux mois après, elle était remplacée par une autre nourrice où 8.000 euros en liquide ont été découverts.

Cependant, insiste Mme Thorel, la BEI n'est pas un groupe spécialisé, comme la brigade des stupéfiants, et doit traiter d'autres délits tout aussi prioritaires. "Moi j'aime faire du +stups+ mais il faut faire des choix", raisonne Antoine. "Il n'y a pas de victime, il n'y a pas d'empathie comme avec une dame de 65 ans qui s'est fait arracher son sac". 

*prénoms modifiés

Rédaction avec AFP


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