Des cours de krav maga pour contrer la violence homophobe - Brésil

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Des cours de krav maga pour contrer la violence homophobe

Les corps s'abattent avec fracas sur le tatami quand Maira se décide à entrer d'un pas hésitant dans la salle de sport: cette transgenre brésilienne assiste pour la première fois à un cours d'auto-défense dédié au public LGBT.

E-llico.com / Actus

Des cours de krav maga pour contrer la violence homophobe
Brésil

Mis en ligne le 27/04/2017

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Pour elle, apprendre le krav maga est presque une question de survie, dans un pays où la population trans (travestis, transsexuels et transgenres) est touchée de plein fouet par la violence au quotidien.

Selon l'ONG Transgender Europe, le Brésil est le pays où ont été recensés le plus grand nombre d'assassinats de trans au monde, avec 900 morts de 2008 à 2016, loin devant le Mexique (271), près de la moitié du total de 2.264 homicides dans le monde entier.

"Je ressens l'insécurité à tout moment. À tout moment, on peut me jeter des pierres où m'attaquer par derrière sans aucune raison", déplore Maira, étudiante de 23 ans qui vit à Rio de Janeiro et a déjà été agressée à l'université. Pour cette première fois, elle préfère rester à l'écart, assise sur un banc, à observer les pratiquants plus ou moins chevronnés qui enchaînent pompes et abdos pendant l'échauffement.

Ils sont une douzaine, les plus expérimentés en kimonos et les novices en simples shorts et t-shirts.

Fondé en août 2016, le Piranhas Team a testé plusieurs arts martiaux, mais a finalement opté pour le krav maga, technique de combat rapprochée élaborée par l'armée israélienne. Pour chaque prise, un participant simule une agression dans une position particulière et l'autre apprend la technique adéquate pour réagir.

"On apprend à se défendre sans en faire trop, sans forcément faire mal à l'autre. Ce cours, ce n'est pas pour se bagarrer dans la rue", explique Lara Lincoln Milanez Ricardo, transsexuelle de 31 ans qui a fondé le groupe avec un ami gay juste après les jeux Olympiques de Rio.

"C'est important d'avoir la conscience qu'on est capable de se défendre en cas d'agression. Quand la peur transparaît sur notre visage, le risque d'être victimes de violences augmente d'autant plus", rappelle-t-elle. Au sens figuré, le terme piranha est aussi utilisé pour désigner une "salope", une ironie assumée par Alisson, un des principaux organisateurs, qui rappelle que le poisson vorace d'Amazonie est connu pour "attaquer en groupe".

Dans ce cours, il y a tous types de profils: trans, gays, lesbiennes, de tous âges et tous gabarits. "Allez, on se bouge!", crie le professeur, un jeune homme barbu en kimono à ceinture bleue, pour motiver ses troupes. "Au-delà de la notion d'auto-défense, il s'agit d'occuper un espace traditionnellement fermé au public LGBT", rappelle Alisson, avocat de 39 ans, soulignant que le milieu des arts martiaux brésiliens est réputé pour être particulièrement machiste.

"Ici, personne ne me regarde de travers et on ne m'a jamais empêché de me rendre dans les toilettes que je veux", renchérit Lara.

Le banc du Piranhas Team a fait des petits, au point d'être relayé dans d'autres États du Brésil. À Rio, les entraînements ont lieu le mardi et le jeudi, matin et soir, dans une petite salle de sports de Lapa, quartier bohème du centre-ville.

"Avant, les trans s'intéressaient plutôt aux cours de danse, mais aujourd'hui elles comprennent à quel point il est important de savoir se défendre", explique Lara. Pour les participants, le tatami devient un refuge pour échapper au sentiment d'insécurité et de persécution. Le créneau réservé au groupe LGBT est situé juste après un cours de jiu-jitsu pour enfants.

"Au début, il y avait bien quelques rires, mais les professeurs les ont tout de suite réprimandés. Ici, c'est une école du respect", se félicite Lara. "C'est un espace libre de préjugés, où nous faisons le plein de confiance, au sein d'une société où nous sommes considérés comme des moins que rien", s'émeut la fondatrice du groupe, elle-même victime de violences, agressée par un ancien camarade de classe.

"Nous sommes une population marginalisée et la violence ne cesse d'augmenter. Nous devons être prêts à nous défendre", conclut-elle, avant de projeter Alisson au sol, maîtrisant avec perfection des techniques qui lui ont déjà permis d'échapper à quatre agressions.

(Source + photo AFP)

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