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Des millions de licenciés,des homos invisibles

Ils sont une poignée de joueurs à avoir fait leur coming-out sur des millions de pratiquants. Figures emblématiques, l'ex-professionnel Olivier Rouyer et l'amateur Yoann Lemaire illustrent l'invisibilité des homosexuels dans le sport roi, quelques jours avant l'ouverture de la saison de Ligue 1.

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Des millions de licenciés,des homos invisibles
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Mis en ligne le 02/08/2017

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"Dans le foot, rien n'a changé entre mon époque et aujourd'hui. On tourne en rond", peste l'ancien international, 61 ans, qui a participé à la Coupe du monde de 1978. Être homosexuel, "ça reste tabou, c'est quelque chose de honteux".

Mais Olivier Rouyer (photo), désormais consultant télé, dit n'avoir pas souffert de devoir se dissimuler. "Il n'y avait rien de frustrant. C'était comme ça. Point", tranche-t-il, dans un entretien avec l'AFP. Cet ancien coéquipier de Michel Platini a attendu 2008, 22 ans après avoir raccroché les crampons, pour se déclarer.

"C'était peut-être un peu tardif. Ça s'est fait comme ça. Il n'y a pas de gloire." Yoann Lemaire a fait le même choix en 2004, alors qu'il était encore actif au FC Chooz (Ardennes). "Je vivais super mal de toujours mentir aux autres. Alors au lieu de parler de filles, je me suis dit que j'allais parler de mecs." Résultat, ce libéro titulaire en équipe première se retrouve progressivement remplaçant en équipe C. Puis il est "viré" de son club, selon ses termes.

Les médias suivent l'affaire. Le président de la Ligue de football professionel (LFP) le soutient. Il écrit un livre. S'entraîne avec le Paris Foot Gay, formation désormais disparue. Puis cet anonyme devenu personnage public retrouve un club dans les Ardennes. Le dimanche, sur les terrains, "je me fais régulièrement insulter", raconte-t-il.

Yoann Lemaire connaît une dizaine d'autres footballeurs amateurs gays. Aucun d'eux n'est sorti du placard. "Au vu de mon expérience, ils ont eu raison de se taire." Les ressorts de la dissimulation sont identiques chez les pros. Dans un rapport sur les discriminations dans le sport paru en 2013,

Patrick Karam, actuel vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, explique que les footballeurs craignent de "mettre leur carrière en péril" avec un coming-out.

Crainte d'être rejetés

Il y a "la peur que les contre-performances soient mises sur le compte de leur orientation sexuelle" et "la crainte d'être rejetés", pointe le rapport, dont les auteurs avaient rencontré "un footballeur professionnel de haut niveau", dont un sponsor avait "exigé qu'il s'affiche au bras d'une femme pour désamorcer les rumeurs".

Dans un sport où "nous faisons les durs et les forts", "nous avons peur de ce qui pourrait se dire", ainsi que des "insultes" dans les stades, avance l'attaquant Antoine Griezmann, interrogé en juin par le magazine espagnol Icon. "Je crois que je le ferais" (un coming-out, NDLR), ajoute-t-il, reconnaissant que "c'est plus facile à dire quand on n'est pas concerné".

Avec 2,5 millions de licenciés à la Fédération française de football, et alors que le pourcentage d'homosexuels généralement retenu est de 5 à 7% d'une population, l'indigence des chiffres français relève de l'aberration statistique.

"Pourtant, c'est une réalité. Toutes les études font état d'un pourcentage de gays compris entre 0 et 2% dans le sport masculin", souligne Anthony Mette, psychologue du sport spécialiste du sujet, qui évoque l'"hétérosexisme" des vestiaires, soit "le rejet des attitudes qui ne sont pas hétérosexuelles, 'masculines'".

En 2013, une étude réalisée en France auprès de 250 professionnels et jeunes évoluant en centres de formation montrait que respectivement 41% et 50% d'entre eux avaient déclaré "des pensées hostiles envers les homosexuels".

Si certains pays (Norvège, Suède, Pays-Bas, Canada, États-Unis) sont à la pointe de l'acceptation dans le ballon rond, l'invisibilité des homos reste la norme.

L'international allemand Thomas Hitzlsperger s'est déclaré en 2014, une fois retraité, pour "faire avancer la question de l'homosexualité dans le sport professionnel". Avant lui, l'Américain Robbie Rogers et le Suédois Anton Hysen avaient franchi le pas.

L'Anglais Justin Fashanu a été le premier footballeur à faire son coming-out, en 1990. Attaqué de toutes parts, exclu de l'entraînement à Nottingham Forest, puis accusé d'agression sexuelle aux États-Unis en 1998 (les charges seront abandonnées faute de preuves), il s'est suicidé peu après.

(Source AFP)

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