Le périple des demandeurs d'asile LGBT venus d'Afrique - Immigration

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Le périple des demandeurs d'asile LGBT venus d'Afrique

"Mes parents voulaient me tuer, je ne pouvais pas rester": persécutées dans des pays où l'homosexualité est réprouvée voire punie de lourdes peines de prison, des centaines de personnes LGBT+ originaires d'Afrique demandent chaque année l'asile en France.

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Le périple des demandeurs d'asile LGBT venus d'Afrique
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Mis en ligne le 13/07/2021

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Rania Amdouni, 26 ans, a fui fin juin "le harcèlement et les menaces" dont elle était victime dans son pays, la Tunisie. "Des syndicats de policiers ont lancé une campagne de dénigrement contre moi, ils ont publié des photos et mon adresse personnelle", raconte la militante féministe et LGBT+, connue pour arborer perruques colorées et drapeaux arc-en-ciel en tête des cortèges prodémocratie.

Fin février, elle a été interpellée dans un commissariat après avoir insulté des agents qui refusaient d'enregistrer sa plainte pour harcèlement. Condamnée en première instance à six mois de prison ferme, elle a été libérée après 19 jours de détention. "Etre en Tunisie est dangereux pour moi", dit Rania Amdouni. L'ambassade de France lui a proposé un visa à sa sortie de prison et elle a commencé une procédure de demande d'asile auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides).

Lornah, 27 ans, originaire du Kenya, y a déposé son dossier en janvier 2020 et attend sa convocation pour un entretien. "Au lycée, je me suis fait surprendre en train d'embrasser ma petite amie par une surveillante. Nous avons été battues et humiliées publiquement. Mon père m'a emmenée à l'église chaque jour pendant trois mois pour extraire le 'démon lesbien' qu'il voyait en moi", raconte la jeune femme.

D'abord recueillie par une tante "très ouverte d'esprit", Lornah a finalement décidé de quitter le Kenya, où l'homosexualité est un crime puni d'une peine maximale de quatorze ans de prison. "Je ne voulais plus vivre cachée". S'il ne tient pas de statistiques sur les réfugiés LGBT+, l'Ofpra relève dans un rapport publié en juillet qu'une dizaine de pays africains "confirment et amplifient leur représentation dans la demande d'asile à raison de ce motif".

En 2019, l'Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour) a pris en charge 768 demandeurs d'asile, dont 78% venus d'Afrique. Le Sénégal, où l'homosexualité est punie d'un à cinq ans de prison, était la même année le pays le plus représenté.

"Dans mon pays, les homosexuels se font agresser, frapper dans la rue. Moi je vivais la nuit. Mais un jour mon père m'a attrapé avec mon copain, il voulait me tuer", confie Souleymane, Sénégalais de 25 ans, arrivé en France par la Méditerranée au terme d'un périple de plusieurs années. Jusqu'au 2 juillet, le Sénégal était considéré par l'Ofpra comme un "pays d'origine sûr". Ses ressortissants faisaient l'objet de procédures accélérées et pouvaient être visés par une expulsion avant même l'examen de leur recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Le Sénégal, comme le Bénin et le Ghana, ont depuis été retirés de la liste, après une décision du Conseil d'Etat, motivée notamment par la protection des personnes LGBT+.

L'Ofpra forme ses personnels aux "procédures relatives à la vulnérabilité et sur les enjeux et spécificités des demandes d'asile contenant des éléments de vulnérabilité", notamment en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre. En attendant leur convocation, Lornah et Souleymane préparent leurs entretiens au Centre LGBTQI+ de Paris, qui accueille chaque dimanche 40 à 50 demandeurs d'asile. "Nous leur montrons comment structurer leur récit de manière claire et selon un déroulé bien précis, depuis leur naissance jusqu'à leur vie amoureuse à Paris", explique Hervé Latapie, responsable de la permanence.

Aude Le Moullec-Rieu, présidente de l'Ardhis, souligne que les décisions de l'Ofpra repose aussi sur "leur la capacité à convaincre". "Ceux qui sont peu éduqués ou souffrent de troubles de la mémoire sur des événements traumatiques peuvent être défavorisés par rapport à ceux qui sont capables de façonner un récit avec des liens et des conséquences logiques", explique-t-elle.

Face aux agents de l'Ofpra, Leah, qui a obtenu son statut de réfugiée il y a cinq ans, a raconté la relation qu'elle entretenait avec une femme avant son arrivée en France. "On m'a aussi posé beaucoup de questions sur ma famille, sur les violences qu'elle m'a fait subir. Et demandé de raconter le moment où j'ai réalisé que j'étais lesbienne", détaille la jeune Kenyane. "J'étais surprise mais il faut savoir répondre à tout".

Rédaction avec AFP


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