A Londres, des femmes à la tête d'une mosquée pour tous - Royaume-Uni

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A Londres, des femmes à la tête d'une mosquée pour tous

Dans une pièce minuscule et humide, une flèche écrite à la craie rose sur une ardoise indique la direction de la Mecque. Naima, voilée, entonne la prière, suivie d'une quinzaine d'hommes et de femmes qui ont pris place, fait rarissime, derrière elle.

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A Londres, des femmes à la tête d'une mosquée pour tous
Royaume-Uni

Mis en ligne le 06/08/2013

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Inclusive Mosque Initiative Islam Londres

Mais à peine a-t-elle commencé la "fatiha" qu'une jeune pratiquante lève la tête, l'air scandalisé. Elle quitte brusquement la pièce qui est située en sous-sol d'un restaurant et fait office de mosquée dans le quartier londonien de Camden.

La musique du restaurant, qui parvient presque à couvrir la voix de Naima, ne pourrait pas être plus appropriée. Les Clash chantent "Should I Stay or Should I Go ?" (Je reste ou je pars ?).

Leïla Bakkioui, 25 ans, voile parme sur les cheveux, est "sous le choc". "Je suis allée en bas prier et une soeur a dirigé la prière", explique-t-elle à une amie attablée au restaurant. "Quand elle est remontée, j'ai cru qu'elle avait vu un fantôme", raconte cette dernière.

Leïla, professeur de mathématiques, s'est retrouvée par hasard au sein d'un groupe de musulmans militant pour un islam "pour tous", où femmes et hommes prient dans la même pièce, parfois sous la direction de femmes choisies à tour de rôle dans la communauté.

A l'origine du projet "Inclusive Mosque Initiative" (IMI ou "Initiative Mosquée pour tous"), lancé fin 2012, Tamsila Tauqir, "frustrée" par les pratiques dans les mosquées au Royaume-Uni et dans l'essentiel du monde musulman.

Ces coutumes sont héritées de la "culture du patriarcat", affirme cette trentenaire.

Or "il n'y a rien dans le Coran qui dise que les femmes et les hommes ne peuvent pas prier ensemble et que les femmes ne peuvent pas conduire" la prière, assure Tamsila, cheveux courts noirs, comme ses Doc Martens et le keffieh qu'elle porte autour du cou.

Mais Leïla ne l'entend pas de la même oreille. "Ce que vous avez vu n'a rien à voir avec l'islam. C'est immoral", assure-t-elle.

"S'il y a des hommes dans un groupe, ils conduisent la prière. Et les femmes se tiennent derrière. On se baisse pour prier, et la dernière chose à laquelle on veut penser, en tant que femme, c'est 'Ils regardent mon derrière'".

Son amie, Tana Rasekh, approuve. "Vous ne pouvez pas aménager la religion à votre sauce", s'indigne cette mère de famille de 26 ans.

Quelques tables plus loin, la quinzaine de participants au groupe IMI, composé d'autant de femmes que d'hommes, rompt le jeûne.

"Je comprends que des gens soient choqués car on nous a appris à prier hommes et femmes séparés, mais je me suis adaptée au groupe", commente Sophia, une Française de 33 ans qui ne souhaite pas donner son nom de famille.

C'est sa première participation à IMI. Malgré la chaleur suffocante, cette grand brune garde son gilet vert pour "couvrir ses bras", en cette période de ramadan.

"Il y a beaucoup de gens qui oublient l'essentiel. Ils suivent ce que font les autres sans prendre le temps d'ouvrir le Coran", estime cette employée dans le télémarketing.

Mais elle n'est "pas en accord avec tout ce qui se passe autour de cette table", reconnaît-elle en faisant référence à une poignée d'homosexuels présents dans le groupe ce soir-là.

"C'est contradictoire d'être gay et musulman", acquiesce l'une de ses amies. "On ne savait pas que c'était un tel mélange... mais c'est bien car personne n'est délaissé", ajoute-t-elle.

IMI, qui compte quelque 500 personnes sur sa liste de distribution, est une "mosquée nomade", selon Tamsila.

Le groupe n'a pas trouvé de lieu permanent susceptible de l'accueillir. Du coup, "on se retrouve deux à trois fois par mois" dans des salles louées pour l'occasion ou des restaurants, mais "on cherche des fonds pour construire une mosquée" notamment à Londres.

IMI a reçu des commentaires "méprisants" mais pas de "menaces", affirme Tamsila. Sollicités par l'AFP, deux importantes organisations musulmanes au Royaume-Uni, dont le Conseil musulman, n'ont pas souhaité réagir à cette initiative.

Hassan Wanini, qui participe à sa première soirée IMI, affirme que Mahomet "à son époque, était considéré comme un progressiste. On ne fait que continuer ce qu'il faisait."

(Source AFP)

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