la police s’amende - Homophobie

Homophobie

La police s’amende

Alors que les plaintes liées à des agressions homophobes se multiplient, l’accueil des victimes gay dans les commissariats laisse parfois à désirer. Une formation de sensibilisation à l’homophobie sera donc mise en place en 2006 à l’intention des futurs gardiens de la paix. Enquête.

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Homophobie

Mis en ligne le 05/12/2005

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Par Jean-François Laforgerie

"Il y a violences volontaires commises en réunion. C’est bon. Ça suffit. Ce n’est pas la peine de rajouter l’homophobie". C’est ce que s’est vu répondre un plaignant gay dans un commissariat d’Avignon, il y a quelques mois, suite à une violente agression. Une phrase qui, sans être malveillante, ne constitue pourtant pas du tout une réponse satisfaisante : ni au regard des bonnes pratiques policières, ni même au regard du droit.

Tout commence dans la nuit du 16 au 17 juillet 2005. Un groupe de huit hommes, plutôt jeunes, armés pour certains de battes de base-ball, fait une descente sur l’aire de repos de Bonpas (Vaucluse), histoire de casser du pédé. Ils endommagent des véhicules, poursuivent les gays présents sur ce lieu de drague, les insultent et les menacent de mort (1). Une des victimes décide de porter plainte : sa voiture a été cassée, il a été insulté et menacé. Il se rend donc au commissariat à Avignon où on lui fait cette réponse.

Un autre plaignant, dont le véhicule n’a pas été atteint, se déplace lui aussi pour porter plainte. Refus. "On lui a dit que comme il n’avait pas subi de préjudice physique ou matériel, il ne pouvait pas déposer de plainte, explique Husein Bourgi du Collectif contre l’homophobie de Montpellier. C’est évidemment faux. Dans le cas du premier plaignant, l’homophobie constituait une circonstance aggravante comme la loi sur la sécurité de Sarkozy l’a instauré. Dans l’autre, c’est la nouvelle loi sur les propos et injures homophobes qui joue. Nous avons saisi la hiérarchie locale pour que ces plaignants puissent enfin déposer plainte avec l’ensemble des faits".

Ce cas, comme d’autres constatés à Bordeaux, Marseille et Montpellier, a incité le Collectif a écrire au ministre de l’Intérieur (le 23 septembre) pour attirer son attention sur les "réticences voire [les] oppositions de la part de certains agents de la police nationale à mentionner la circonstance aggravante d’homophobie dans les procès verbaux de dépôt de plainte". Un mois plus tard, Nicolas Sarkozy a répondu qu’un "rappel des dispositions législatives récentes sur l’importance des circonstances aggravantes sera effectué auprès des policiers et des gendarmes". "C’est un engagement qui nous satisfait, note Hussein Bourgi, même si aucune date pour la publication de cette circulaire ne semble encore avoir été fixée".

Pour la plupart des associations luttant contre l’homophobie, ce refus de prise en compte de l’homophobie lors de dépôts de plaintes est davantage dû à une méconnaissance des textes récents qu’à une volonté de censure. D’ailleurs le ministre, dans son courrier, n’en disconvient pas : "L’omission des propos homophobes passibles de poursuites pénales et constitutifs de circonstances aggravantes, tient certainement plus à l’ignorance des textes récents qu’à une réelle volonté de ne pas les signaler, ou à une quelconque réticence voire opposition des fonctionnaires et des militaires".

Flag !, association des policiers gay et lesbiens, partage ce point de vue. "Les textes sont nombreux. Les lois changent rapidement et il est difficile pour les policiers de se tenir informés, explique Alain Parmentier. Il y a certes des lieux dans les commissariats où on peut prendre connaissance des nouvelles lois. Mais les horaires de travail, le problème des sous-effectifs ne permettent pas que l’information circule correctement. Dans la plupart des cas, ces refus sont effectivement liés à une ignorance des lois mais nous constatons aussi, même si ce n’est heureusement pas le plus fréquent, que des plaignants peinent à déposer une plainte parce que certains policiers les poussent à se contenter d’une simple main courante [ce qui ne permet pas l’ouverture d’une enquête]. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons travaillé à la réalisation d’un module de sensibilisation dans les écoles de police contre l’homophobie".

(1) Grâce à un appel lancé par le Collectif contre l’homophobie de Montpellier, des suspects présumés ont été mis en examen et écroués.

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