Pourquoi pas des circonscriptions pour les homos ? A un peu plus d’un an des législatives de 2007 et alors qu’il vient de quitter les Verts pour le PS, Christophe Girard fait mine de s’interroger. L’adjoint à la Culture du maire de Paris ne se cache pas d’être gay, pas plus que d’avoir envie d’être élu député l’an prochain. D’où cette idée, qui le concerne au premier chef, de présenter des candidats ouvertement homos au même titre que semble peu à peu s’imposer le besoin de réserver des circonscriptions aux femmes et aux "minorités visibles" (noir, beurs, etc.) pour mieux représenter la diversité de la société au sein du parlement.

"C’est dit sur un ton d’humour et de légèreté" souligne-t-il. Mais cela n’en pose pas moins de nombreuses questions, et d’abord celle du nombre de postulants possibles à une telle catégorie de circonscriptions, les hommes et femmes politiques ouvertement homos et de premier plan se comptant sur les doigts d’une main. Mais justement, répond Christophe Girard, c’est un appel du pied ! "Je trouve assez fou qu’il n’y ait pas, à l’Assemblée Nationale, un seul ou une seule député qui s’assume. Il faut montrer qu’en politique, l’homosexualité n’est pas un frein, un handicap".

Mais est-ce seulement le cas ? rétorque-t-on au PS. Pour Bruno Le Roux, qui y est chargé des élections, l’idée de Christophe Girard est "inintéressante". "Le fait d’être homo n’a jamais empêché d’être candidat au PS" assure-t-il. Alors pourquoi réserver des circonscriptions aux gays ou aux lesbiennes ? Et c’est sans parler du casse-tête que cela représenterait pour un parti qui a déjà promis 50 % de femmes candidates, des personnalités issues de l’immigration et
un renouvellement au profit des jeunes cadres ! Est-ce qu’alors l’intérêt de députés ouvertement homos ne seraient pas d’assurer un meilleur combat contre l’homophobie au niveau parlementaire ?

C’est ce que pense Christophe Girard. "Je sais de quoi je parle. Je pense être plus concerné que la mère de famille hétéro, même si j’ai besoin que celle-ci se sente concernée". Certes, mais l’exemple de Bertrand Delanoë montre a contrario que l’on peut être ouvertement homo, faire de la politique et ne pas faire des questions LGBT son champ privilègié d’intervention. Bruno Le Roux pense même que "ce n’est pas gênant d’avoir des candidats homosexuels qui ne le disent pas". Ce qui fait bondir Christophe Girard, car il y voit "un mensonge" fait aux électeurs. Pourtant, juridiquement parlant, l’homosexualité
fait partie de la vie privée. Et c’est à chacun de décider d’en parler ou pas. La vraie question n’est-elle pas alors, plutôt que l’homosexualité du candidat ou de la candidate, celle de son implication dans le combat contre l’homophobie, cette implication n’ayant pas toujours à voir avec son orientation sexuelle ?

Julien Picquart

>> Quelle légitimité ?

Etre élu député avec l’étiquette "homo" ne pose-t-il pas un problème de légitimité pour aborder les dossiers autres que les questions LGBT ? "Non aucun", d’après Christophe Girard, qui déroule aussitôt son CV : "Ça n’empêche pas d’être adjoint à la Culture, d’être producteur et de venir du monde de l’entreprise". Mais la question se pose aussi en sens inverse : être homo rend-il forcément légitime pour représenter les personnes LGBT ?

Mis en ligne le 17/03/06