Par Jean-François Laforgerie

Débarrassés de Lionel Jospin (désespérément hostile aux revendications LGBT), privés de Jack Lang (sincèrement engagé sur les questions LGBT), les militants socialistes vont, les 16 et 23 novembre, choisir parmi trois candidats — Ségolène Royal, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn — qui devra les conduire à la victoire en 2007. C’est du moins, le vœu qu’ils forment. En attendant, une campagne interne anime pendant quelques semaines le PS. De façon étonnante — alors même que le sujet est délicat et complexe y compris au sein du PS — , les revendications LGBT, et plus précisément l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, ne semble pas devroir être être un motif de désaccord entre les postulants. En effet, à partir de 2003, chacun à son rythme a pris position en faveur du mariage homo, de l’homoparentalité et de l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe. Le modèle espagnol n’y est pas étranger. Il s’est d’ailleurs traduit par un engagement ferme du Parti Socialiste, en juin 2006, sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homos. Cet engagement vaut pour les élections présidentielles et législatives de 2007. Deux propositions de loi ont d’ailleurs d’ores et déjà été déposées, histoire de donner corps à cette volonté d’engagement.

Reste que l’adhésion des trois postulants à ces revendications a connu des cheminements différents. Elle est ancienne chez Laurent Fabius qui, comme président de l’Assemblée Nationale, s’est beaucoup investi lors des débats sur le PaCS (1999). Pourtant, lors du Congrès du Mans en 2005, la motion du député de Seine-Maritime était la moins engagée sur ces questions. Elle est plus récente chez Dominique Strauss-Kahn qui n’avait que peu parlé des droits des homos avant 2004. Depuis, le député du Val d’Oise rattrape le temps perdu. Il a même réussi le tour de force d’accréditer l’idée que son enrôlement personnel n’est pas pour rien dans l’engagement du PS à suivre les traces de Zapatero… du moins dans ce domaine. La conversion de Ségolène Royal est nouvelle et constitue un tournant manifeste par rapport à ses positions précédentes marquées par une évidente ambivalence : un jour, c’était la militante des droits de l’homme qui parlait, un autre la mère de famille. Une chose est sûre, chaque concurrent s’est désormais engagé à concrétiser la promesse du PS.

Sans vouloir doucher l’enthousiasme, il ne faut tout de même pas perdre de vue que derrière ce oui, on sent des nuances. Là, c’est Ségolène Royal qui explique que son projet pour 2007 sera libre par rapport à celui du PS et qu’il ne faut pas "instrumentaliser cette question". Là, c’est Dominique Strauss-Kahn qui répète qu’il faut "préparer l’opinion publique" (à quoi ?). Là, c’est Laurent Fabius qui se montre peu concerné. Il ne figure même pas parmi les premiers signataires (on en dénombre pourtant 74) des deux propositions de loi socialistes sur le mariage et l’adoption. Et puis, il y a les sondages qui soutiennent le mariage homo, mais traduisent une défiance de l’opinion sur la question de l’adoption. Il sera intéressant de voir comment le vainqueur de la compétition socialiste fera corps avec ces revendications d’égalité des droits. Car, s’il y a bien une leçon qu’il faut retenir de l’Espagne, c’est que Zapatero avait épousé ce combat égalitaire sans compromis, ni calculs, ni renoncement.