Législature 2002-2007
Le bilan de l’Inter-LGBT
A l’occasion de la présentation de ses vœux pour 2007, l’Inter-LGBT a dressé le bilan détaillé de la législature 2002-2007 en matière de droits LGBT. Un bilan que l’association a voulu "juste" et "équilibré" mais qui pointe, au final, moins d’"avancées inattendues" que de revendications inabouties.Par Jean-François Laforgerie
Les faits ne trompent pas. Même si l’Inter-LGBT a joué la carte de l’honnêteté pour ce bilan de la législature, il n’en demeure pas moins qu’au terme des gouvernements Raffarin et Villepin, la droite ne pourra guère se prévaloir d’un bilan irréprochable à l’égard des personnes LGBT. Pour autant, les cinq dernières années n’auront pas été perdues puisque certains dossiers auront avancé de façon inattendue.
C’est notamment le cas dans la lutte contre les discriminations où des progrès en matière de politique pénale ont été réalisés. Ainsi, la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 fait de l’homophobie une circonstance aggravante pour certains crimes et délits. De même, les forces de police commencent à intégrer la nécessité de lutter contre l’homophobie.
Reste que la grande évolution, c’est la pénalisation des propos à caractère discriminatoire mettant en cause l’orientation sexuelle. "C’est une revendication qui a été formulée pour la première fois en 1991, rappelle Alain Piriou de l’Inter-LGBT. C’est une avancée inattendue que nous avons soutenue jusqu’au bout. Il y avait aussi la volonté politique de Jacques Chirac et de Jean-Pierre Raffarin et l’aide, pas négligeable de Nicolas Sarkozy lorsque le texte a connu des difficultés à l’Assemblée Nationale." Initialement, un projet de loi spécifique avait été promis par le gouvernement. Au final, les mesures passeront sous forme d’amendements au projet de loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). "Nous souhaitions obtenir des résultats. D’où notre stratégie d’alors d’abandonner la perspective d’une loi symbolique", commente Laurent Cheno de la commission Politique de l’Inter-LGBT.
L’autre grande avancée de la législature, c’est justement la création de la Halde dont l’Inter-LGBT souligne néanmoins quelques défauts comme l’oubli de la thématique LGBT dans les instances décisionnaires ou consultatives ou le manque de moyens de cette instance.
Du côté des améliorations encore, on note aussi des aménagements partiels au PaCS dont la suppression du délai de trois ans avant imposition commune, le droit temporaire de jouissance d’un an du logement commun au profit du partenaire survivant, ou la suppression du régime de l’indivision, etc. Reste que l’Inter-LGBT pointe que le refus d’une loi spécifique pour améliorer le PaCS, pourtant promise par Raffarin, a notamment eu pour conséquence qu’il n’y a eu "aucune amélioration des droits ouverts par le PaCS en matière de droits du travail et d’accès aux prestations sociales."
En matière de couples binationaux, on est, selon l’Inter-LGBT, dans un "statu quo qui n’est pas si mal que cela [sur le droit au séjour pour les partenaires étrangers pacsés] au regard de ce que subissent les étrangers aujourd’hui chez nous." Pour autant, l’association rappelle que la situation a été bien souvent tendue et qu’elle a dû se mobiliser sur nombre de cas de couples pacsés binationaux victimes du zèle des préfectures.
Face à ces améliorations, parfois importantes, l’Inter-LGBT note que la législature n’a permis aucune avancée en matière d’homoparentalité du fait du conservatisme du gouvernement et de l’activisme d’élus homophobes — ceux de l’Entente parlementaire notamment. Même blocage avec le mariage puisque la majorité actuelle refuse les unions de même sexe. Aucune avancée non plus, sur les droits des personnes trans. Sur le plan international, c’est, là encore, la déception. "La France n’a pas joué le rôle qui aurait dû être le sien sur la scène internationale", indique Alain Piriou, citant les pendaisons de jeunes homos en Iran ou les exécutions en Arabie Saoudite, l’homophobie institutionnelle dans plusieurs pays d’Afrique, ou les réactions inappropriée dans l’affaire de la Gay Pride de Moscou.
Bilan négatif aussi en matière d’éducation qui se traduit par une absence de prévention des discriminations dans le monde éducatif. "Ce n’est pas faute d’avoir demander le dialogue, indique l’Inter-LGBT mais les obstacles dressés au monde associatif pour les interventions en milieu scolaire, le désintérêt manifeste des différents ministres de l’Emploi et de la Solidarité et de l’Education nationale pour la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et leur refus d’un dialogue avec le monde associatif constituent le point le plus critique du bilan de ce gouvernement."
"Il est délicat de faire un bilan assez critique. Cela nous renvoie à nos propres échecs, analyse Alain Piirou, porte-parole de l’association. Ce n’est pas de bon cœur qu’on livre ce bilan, peu satisfaisant, à bien des égards. Mais, une chose est sûre; nous avons beaucoup appris en cinq ans. Cela nous servira pour les cinq ans à venir, quel que que soit le gouvernement. Une chose est sûre, ce n’est pas la France qui est en retard sur les questions LGBT. Ce n’est pas l’opinion publique qui a un problème. Le problème est d’abord politique."
>> Un questionnaire pour débattre
Outre son bilan de la législature, l’Inter-LGBT entend jouer un rôle dans la campagne présidentielle : celui d’informer chacun des positions des différents candidats sur les questions LGBT et sur la méthode (moyens calendrier, etc.) qu’ils comptent employer. A cette fin, l’Inter a adressé un questionnaire détaillé aux candidats (hormis Le Pen et de Villiers). Les réponses des candidats à la présidentielle 2007 seront présentées, mi mars, quelques jours avant le lancement du traditionnel Printemps des assos.