
Françoise Barré-Sinoussi
Fournir maintenant des traitements anti-sida partout
Françoise Barré-Sinoussi, co-prix Nobel de médecine 2008 pour l'identification du virus du sida, estime que les dernières données scientifiques sur la prévention de l'infection, présentées cette semaine à Rome, imposent de "pouvoir fournir les antirétroviraux partout".
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Fournir maintenant des traitements anti-sida partout
Françoise Barré-Sinoussi
Mis en ligne le 21/07/2011
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Qu'est ce qui vous a semblé le plus marquant dans cette conférence ?
Le point fort, ce sont les données les plus récentes sur le traitement en tant que prévention : une étude qui montre que dans des couples sérodifférents (un infecté l'autre pas) on diminue de 96% le risque si les patients sont traités hyper tôt, d'autres qui montrent qu'avec des traitements pré-exposition on peut réduire le risque d'infection y compris chez des personnes à comportement à risque. C'est un message des scientifiques vers les politiques : il faut pouvoir maintenant fournir les antirétroviraux partout.
C'est là que le bât blesse ?
Oui, le bât blesse pour des raisons financières : il y a encore 9 millions de personnes à traiter et plus si on traite plus tôt. Ca va coûter, il faut que les efforts internationaux s'accélèrent. Il faut trouver d'autres mécanismes de financement, comme la taxe Tobin sur les transactions financières, un mécanisme dont on parle depuis longtemps et qui tarde à être mis en place. Il y a des mécanismes novateurs à rechercher, pour compléter les efforts des gouvernements. Il faut que les pays donateurs poursuivent leurs efforts, mais il y a aussi des pays qui ne donnent pas encore, comme la Chine, un pays plus qu'émergent. Si la Chine devient un pays donateur, une décision qu'elle devrait prendre à mon sens, c'est une source financière supplémentaire.
Où vont maintenant les recherches ?
Avec les traitements, en dehors des problèmes de coût, en dehors des difficultés d'y accéder, il y a des problèmes de complications sur le long terme. Cela stimule la recherche sur des traitements utilisés puis arrêtés, avec l'infection contrôlée naturellement à l'arrêt du traitement. C'est +la HIV cure+, le traitement qui conduit à une rémission. Cela faciliterait beaucoup les choses. Le sujet devient encore plus d'actualité.
La "HIV cure" va d'ailleurs être au coeur de la conférence de Washington (grande conférence sur le sida en 2012, ndlr). On va lancer la stratégie scientifique globale sur laquelle est en train de travailler un groupe de chercheurs internationaux, on va faire une consultation à large échelle de la communauté scientifique internationale, des communautés, des financeurs, des chercheurs non spécialisés dans le VIH : cancer, hépatites virales, herpès, thérapie génique, cellules souches... On réfléchit à des mécanismes pour financer des projets de recherche internationale.
(Propos recueillis par Christine Courcol)
Source : AFP