Après Ségolène Royal, Lionel Jospin prend position contre le mariage gay, renforçant le camp des "socialo-réacs" qui contestent la direction du PS.


Depuis la prise de position officielle du Parti socialiste favorable à l'ouverture du mariage civil aux couples homosexuels, un courant de résistance à cette décision s'exprime en interne mais surtout dans les médias. Il a trouvé ce week-end un renfort emblématique avec l'annonce par Lionel Jospin de son hostilité à cette mesure.

Lionel Jospin dont les interventions dans le débat politique sont très rares, se prononce dans une tribune du Journal du Dimanche contre le mariage homosexuel. Pour lui, "le mariage est dans son principe et comme institution "'union d'un homme et d'une femme". Prenant le contrepied de la direction du Parti socialiste, l'ancien Premier ministre affirme "qu'on peut réprouver et combattre l'homophobie tout en n'étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c'est mon cas"; une position très proche de Ségolène Royal, la figure de proue de l'opposition socialiste au mariage et à l'adoption gay.

L'ancien chef du gouvernement parle de son "plein respect des choix de vie amoureux et sexuels de chacun", mais il insiste sur "le sens et l'importance des institutions" et dit redouter "une nouvelle tentation bien-pensante, voire une crainte de l'imputation homophobe, qui pourraient empêcher de mener honnêtement la discussion".

Reprenant des arguments constamment développés à droite pour justifier son opposition au mariage et à l'adoption pour les couples gay, Jospin écrit : "Dans la discussion qui s'amorce, j'entends parler de désirs, de refus des discriminations, de droit à l'enfant - alors qu'on devrait mettre en avant le droit de l'enfant - et d'égalité des droits, comme si le principe de l'égalité des droits devait effacer toute différence". "Quant à l'enfant, il n'est pas un bien que peut se procurer un couple hétérosexuel ou homosexuel, il est une personne née de l'union - quelle qu'en soit la modalité - d'un homme et d'une femme", poursuit Lionel Jospin.

En intervenant dans le débat et de cette façon, l'ancien Premier ministre se marginalise un peu plus auprès des électeurs de gauche largement favorables au mariage homosexuel, des leaders du PS engagés en faveur du mariage comme Dominique Strauss-Kahn et droitise encore une image qui lui avait déjà beaucoup coûté lors de l'élection présidentielle perdue dès le premier tour.

Il apporte de l'eau au moulin des "socialo-réacs" déjà frileux sur le pacs lors de son élaboration et de son vote -d'ailleurs raté lors de son premier passage à l'Assemblée nationale- et affaiblit son parti dans le combat pour l'égalité des droits. Il agit aussi comme un révélateur des véritables positions personnelles. Ainsi Laurent Fabius qui avait affirmé son accord avec la décision de la direction du PS en début de semaine fait marche arrière. Lors d'un déplacement de campagne pour les européennes, à Poitiers, aux côtés de Ségolène Royal il a estimé que la question du mariage homosexuel "n'est pas la question centrale du moment", propos qu'il a repris sur TF1 dimanche soir au journal de 20 heures.

Cette bagarre interne ne sera sans doute pas sans conséquence sur la suite du dossier. La commission conduite par Patrick Bloche -qui ne passe déjà pas pour un défenseur forcené du mariage homo- qui doit aboutir à une proposition de loi sera sans doute influencée par ces dissensions et les réserves de quelques leaders et d’une partie de la base du parti. On peut redouter un projet tiède, à l'arrivée, destiné à rassembler toutes les sensibilités comme le laissaient craindre les déclarations d'Annick Lepetit à Illico jeudi dernier et qui pourrait consister en un mariage au rabais, privé de dispositions accordées aux couples hétérosexuels. Une sorte de "pacs amélioré" qui pourrait bien n'avoir que peu de différences avec le projet de la droite sur le sujet...

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Mis en ligne le 17/05/04