
Lutte contre le sida
Didier Lestrade arrête sur un constat désabusé
Dans une tribune publiée successivement dans Le Journal du sida et sur le site Rue 89, l'activiste-journaliste-essayiste Didier Lestrade, co-fondateur d'Act Up-Paris, annonce - non sans ambiguité - qu'il "arrête" son combat.
E-llico.com / Actus
Didier Lestrade arrête sur un constat désabusé
Lutte contre le sida
Mis en ligne le 14/02/2013
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On connaît l'analyse de Didier Lestrade sur la communauté gay qu'il accuse, livre après livre, depuis plusieurs années d'entretenir en son sein l'épidémie de sida.
Mais l'accusateur semble aujourd'hui las de son combat ou plutôt de son absence d'efficacité.
"Depuis 1997, j’ai passé quinze ans à me battre en faveur de la prévention, particulièrement chez les gays", rappelle-t-il dans une tribune publiée successivement dans Le Journal du sida et sur le site Rue 89 et intitulée "Sida, pourquoi j'arrête".
"J’ai publié sept livres qui parlent tous du sida d’une manière ou d’une autre. Et comme chaque année, 6 000 personnes se contaminent", poursuit-il.
"Début 2012, j’ai publié avec le Pr. Gilles Pialoux un livre sur l’histoire des trente premières années de l’épidémie. Ce livre, comme les rares qui ont été publiés au même moment en France, même celui du prix Nobel 2008, Françoise Barré-Sinoussi, ne s’est pas vendu", admet-il.
"Cela veut dire que malgré une estimation de 150 000 personnes vivant aujourd’hui avec le virus en France, dont 36 000 gays et bis infectés depuis douze ans, le sujet du sida n’est plus vendeur, même auprès des plus concernés. Ces livres ne parviennent même plus à intéresser la base de ces personnes contaminées, ni toutes les personnes qui les entourent dans leurs familles, dans les centres de soin, parmi leurs amis", constate amèrement Didier Lestrade.
Pour le co-fondateur d'Act Up, "tous ceux qui ont connu l’engagement des années 1980 et 1990 sont désormais désespérés, brûlés, épuisés, confrontés à une société qui estime, peut-être avec pragmatisme, que 6 000 nouvelles contaminations par an, c’est gérable, en tout cas ce n’est pas vraiment plus grave que les chiffres des autres maladies importantes en France".
Lui annonce la fin de sa "mission" : "j’arrête", écrit-il tout en affirmant qu'il n'entend pas disparaître du champ du sida. "J’écrirai encore sur ce sujet, à un niveau personnel, car il se passe toujours des choses dans cette maladie, même si on n’en parle plus".
"J’ai presque tout dit ce que je pensais sur cette maladie, au point d’insister au-delà de ce qui est humainement concevable avant de se faire traiter de vieux militant perdu, et ça ne sert plus à rien. Personne n’écoute", concède t-il avant de renouveler son constat désabusé.
"36 000 gays et bis contaminés depuis douze ans. C’est votre génération. Ces 36 000 gays et bis sont autour de vous, à côté de vous. Ce sont vos amis. Mais personne ne sait qu’ils sont séropos parce qu’ils sont invisibles, parce qu’ils ne le disent pas. Ils ne s’engagent pas, ils ne s’expriment pas. Et on ne peut pas aider les gens s’ils sont dans le déni."