Portrait
Christiane Taubira, un électron libre devenu pilier du gouvernement
La ministre de la Justice Christiane Taubira, 61 ans, est devenue un pilier du gouvernement depuis le marathon parlementaire sur le mariage homosexuel, où son éloquence et sa passion ont dopé sa popularité à gauche.
E-llico.com / Actus
Christiane Taubira, un électron libre devenu pilier du gouvernement
Portrait
Mis en ligne le 22/04/2013
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Lorsqu'elle a été nommée à la Chancellerie en mai 2012, Christiane Taubira était surtout connue pour sa candidature sous les couleurs du Parti radical de gauche (PRG) à la présidentielle de 2002, et pour une loi mémorielle de 2001, portant son nom, qui reconnaît la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité.
D'emblée, elle prête le flanc aux railleries de la droite, lorsqu'un détenu profite d'un tournoi de basket à Paris, auquel elle consacre sa première sortie de garde des Sceaux, pour s'évader.
Puis les attaques se déchaînent lorsqu'elle annonce son intention de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs instaurés par Nicolas Sarkozy et exprime sa réserve sur les centres éducatifs fermés (CEF) pour mineurs délinquants.
Elle devient la cible préférée de l'UMP, qui l'attaque sur ses supposés "laxisme" et "angélisme". Régulièrement huée lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, cette petite femme énergique, aux cheveux tirés en arrière et tressés, souvent vêtue de vestes aux couleurs vives, réplique sans se démonter.
Elle connait parfaitement l'hémicycle pour y avoir siégé 19 ans comme députée de Guyane , successivement chez les non inscrits, au groupe radicaux, verts et communistes et comme apparentée PS, car elle n'est membre d'aucun parti.
Il faut "assumer non seulement ses propres choix, mais aussi l'affrontement, la critique, la divergence y compris la mauvaise foi, y compris l'injure, y compris la calomnie et j'ai eu mon compte", dit-elle lors d'un congrès de magistrats en octobre 2012.
Magistrats et professionnels de la justice sont séduits par son écoute, sa connaissance des dossiers, sa capacité à parler sans notes, sa flamme. "Le verbe est essentiel", estime-t-elle.
"Tous les défis à relever"
Lorsque la discussion sur le mariage homosexuel arrive au Parlement, où elle porte le projet de loi, le grand public découvre son lyrisme. Elle alterne citations de René Char, Emmanuel Lévinas ou du poète guyanais Léon Gontran-Damas, extraits du code civil, et siège jour et nuit à l'Assemblée où elle se rend parfois à vélo.
"Sa principale caractéristique est son engagement. Ce n'est pas quelqu'un qui picore, c'est quelqu'un qui creuse", estime le député PS Jean-Jacques Urvoas. "Elle est extrêmement rigoureuse, exigeante avec la règle, avec le droit". Les députés de droite ont "découvert une guerrière, qui pour le plaisir de ferrailler pouvait provoquer, alors qu'ils pensaient qu'elle était au contraire maître de l'esquive".
C'est parfois à son corps défendant qu'elle s'attire les foudres de l'opposition, comme lorsqu'elle diffuse maladroitement, à l'ouverture du débat parlementaire sur le mariage gay, une circulaire sur les enfants nés à l'étranger de mères porteuses.
Ses adversaires, tels le député UMP Hervé Mariton, voient "une femme qui sert, avec une assurance impressionnante et excessive, des arguments parfois plus fragiles". "Je crains qu'elle n'appartienne à la catégorie de ceux pour lesquels le monde est un théatre, et la politique aussi".
Elle passe pour autoritaire, voire cassante, capable de colères mémorables et peu disposée à déléguer. "Je ne crois pas que mon tempérament soit un secret d'Etat", relativise-t-elle.
Près d'un an après son arrivée Place Vendôme, les principaux syndicats s'impatientent de la voir enfin mettre en oeuvre les réformes pénales annoncées.
Née à Cayenne le 2 février 1952 dans une famille modeste, Christiane Taubira est docteur es-sciences économiques et en agro-alimentaire, licenciée en sociologie et certifiée d'études supérieure d'ethnologie afro-américaine.
"Femme, noire, pauvre, quel fabuleux capital ! Tous les défis à relever. Une vie d'épuisement en promesse", écrivait-elle dans "Mes Météores", sa biographie publiée en mars 2012.
Après avoir adhéré dans sa jeunesse aux thèses indépendantistes, elle émerge en politique en 1993, lorsqu'elle remporte les législatives avec son mouvement le Walwari (divers gauche), créé avec son mari Roland Delannon, dont elle aura quatre enfants et dont elle est maintenant divorcée. Elle est également députée européenne de 1994 à 1999.
Elle a eu moins de succès dans les scrutins locaux, échouant à deux reprises en 1995 et 2001 à prendre la mairie de Cayenne et perdant en 2010 le scrutin régional.
(Source AFP)