
Prostitution
Un vote historique ou dangereux selon les associations
Les associations prônant l'abolition de la prostitution ont salué mercredi le vote de la proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées, en évoquant une décision "historique", tandis que les opposants ont dénoncé un texte "dangereux".
E-llico.com / Actus
Un vote historique ou dangereux selon les associations
Prostitution
Mis en ligne le 05/12/2013
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Les députés ont adopté mercredi cette proposition de loi par une majorité de 268 voix contre 138, avec 79 abstentions. Le texte punit l'achat d'actes sexuels d'une contravention de 1.500 euros. Avant d'entrer en vigueur, il devra cependant franchir l'étape du Sénat qui devrait l'examiner avant l'été.
"Les député(e)s ont décidé une avancée historique : la France s'engage aux côtés des personnes prostituées, contre ceux qui exploitent leur vulnérabilité : proxénètes et clients prostitueurs", se félicite le Mouvement du Nid.
"Pour la première fois en France, une loi qualifie et condamne l'achat d'un acte sexuel comme une violence", insiste l'association, qui espère que "le Sénat fera lui aussi le choix de briser la violence prostitutionnelle".
Saluant "le vote d'une loi historique", Osez le féminisme! annonce qu'elle restera "mobilisée" pour que le texte soit voté au Sénat et "vigilante à ce que les manques de la loi soient comblés", soulignant que les prostituées étrangères "doivent accéder à un titre de séjour plus étendu et sans discrétion du préfet".
L'Assemblée "envoie un signal fort en France, en Europe et au monde", a estimé le Haut conseil à l'égalité femmes-hommes. "Cinquième pays dans le monde à franchir cette étape historique, la France affirme son refus de considérer la prostitution comme une fatalité et pose un solide obstacle aux proxénètes et au développement des réseaux mafieux", ajoute-t-il.
Mais pour Aides, ce texte "est en l'état inapplicable et dangereux". "La pénalisation de la prostitution, sous quelque forme que ce soit, précarise les prostitu(e)és et les expose à des risques sanitaires accrus", insiste l'association.
"Qui peut croire qu'une aide de 336 euros mensuels et un titre de séjour de 6 mois seront suffisants pour faire sortir de la prostitution les victimes de la traite? Soyons sérieux, les débats à l'Assemblée ont montré que les mesures 'd'accompagnement' proposées n'étaient que de la poudre aux yeux", ajoute Aides.
"On est déçus que les parlementaires n'aient pas intégré l'idée que cette proposition de loi contient certes des volets intéressants, mais que la pénalisation du client aura un effet contreproductif", a déclaré Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du Monde.
"Ca va nous mettre en difficulté pour accompagner les prostituées", a-t-il insisté, affirmant que la "bienveillance" des députés "se retournera contre les personnes qu'ils voulaient protéger".
Le texte, qui abroge aussi le délit de racolage passif institué par Nicolas Sarkozy en 2003, prévoit des mesures d'accompagnement social et professionnel pour celles qui veulent quitter la prostitution, dont une aide financière temporaire.
Il prévoit aussi la possibilité pour les étrangères engagées dans ce "parcours de sortie" d'obtenir un titre de séjour de six mois. Une mesure critiquée par de nombreux députés UMP, qui y ont vu "un appel d'air" pour l'immigration clandestine.
> Manif de prostitués à Paris contre le texte voté
Environ 200 prostitué(e)s ont manifesté leur colère mercredi soir près de l'Assemblée nationale contre la proposition de loi visant à pénaliser leurs clients, adoptée un peu plus tôt par les députés.
"Ce qui pose problème, c'est la pénalisation du client et l'absence de véritable mesure sociale", a déclaré la porte-parole du Syndicat du travail sexuel (Strass), Morgane Merteuil. "Au final on n'a que de la répression qui va repousser les travailleurs du sexe dans la clandestinité", a-t-elle poursuivi, "comptant sur le Sénat pour recaler cette loi et l'épurer".
Réunies à l'appel du Strass, les prostituées ont manifesté bruyamment sur l'esplanade des Invalides, criant "On est putes, on est fières, Belkacem c'est la guerre", adressé à la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, ou encore "Touche pas à mon client".
(Avec AFP)