
Pologne
L'Eglise catholique part en guerre contre la théorie du genre
La très conservatrice Eglise catholique de Pologne a déclaré la guerre à ce qu'elle qualifie d''idéologie" du genre qui représenterait, selon elle, un danger mortel pour l'humanité, la famille et l'identité sexuelle des enfants.
E-llico.com / Actus
L'Eglise catholique part en guerre contre la théorie du genre
Pologne
Mis en ligne le 20/01/2014
Tags
"L'Eglise craint les changements de la société et s'oppose surtout à l'introduction du mariage pour tous, comme cela s'est passé dans d'autres pays, comme la France ou certains Etats américains", explique le sociologue Edmund Wnuk-Lipinski. "Il s'agit d'une offensive préventive", estime-t-il.
Aujourd'hui, plus de 80% des Polonais se disent catholiques, mais le nombre de pratiquants est en baisse constante ces dernières années.
Inspirée par l'ancien pape Benoît XVI qualifiant cette théorie d'"anthropologie sur fond athée", la campagne contre le concept d'égalité hommes-femmes a pris en Pologne les dimensions d'une guerre de civilisation.
"L'idéologie du genre est introduite depuis plusieurs mois, sans l'accord des Polonais, dans différentes structures de la société: éducation, services de santé, établissements culturels et organisations non-gouvernementales", ont accusé les évêques polonais dans une lettre aux fidèles, lue dans les églises du pays.
Les évêques dénoncent pêle-mêle le marxisme, les féministes et la révolution sexuelle comme source d'inspiration de cette théorie "contraire à la conception traditionnelle de l'homme".
Selon eux, un individu pourrait ainsi "définir librement s'il est un homme ou une femme et choisir son orientation sexuelle".
Dans certaines églises, une version plus radicale de la lettre affirmait que "l'éducation sexuelle dans les écoles, menait à la profonde dépravation des jeunes".
La secrétaire d'Etat chargée de l'égalité des sexes, Agnieszka Rajewicz-Kozlowska, rappelle que cette théorie est un concept scientifique et universitaire et non une idéologie, et souligne que l'Eglise a lancé un combat contre "un ennemi inventé" par elle-même.
"Dans la plupart des documents officiels le terme 'gender' est lié au concept d'égalité entre les femmes et les hommes", explique-t-elle dans un document publié sur son site officiel.
Intransigeants, de nombreux prêtres continuent de tirer à boulets rouges contre ce principe, et les plus radicaux, comme le père Dariusz Oko, estiment que cette "idéologie" est "sous certains aspects pire que le nazisme et le communisme" et "mène à l'anéantissement de la nation" car elle "détruit la famille".
"Cette idéologie explique que le sexe n'est pas déterminé par la biologie mais par la culture. Dans certaines publications gender, le sexe biologique disparaît complètement. C'est inacceptable", déplore à l'AFP Mgr Tadeusz Pieronek, ancien porte-parole de l'épiscopat de Pologne.
Pour l'Eglise, la définition traditionnelle de la famille en tant qu'union entre un homme et une femme constitue le fondement de la société, déclare à l'AFP Marcin Przeciszewski, chef de l'Agence catholique d'information KAI. Il regrette des "propos malencontreux" de certains membres de l'Eglise, qui "brouillent le message principal".
"L'Eglise ne peut être d'accord avec le concept de l'interchangeabilité des sexes. L'identité sexuelle est donnée par la nature, par Dieu", dit-il.
La voix de l'Eglise rencontre un certain écho à droite. Et, un petit parti d'opposition a ainsi créé au Parlement un comité "antigender" avec pour vocation "la protection des enfants dans les écoles maternelles contre la sexualisation" introduite, selon ses membres, "sous prétexte de cours sur l'égalité des sexes" et financés notamment par l'Union européenne.
A la suite de l'appel des évêques et aux déclarations de la droite, des parents d'élèves ont réclamé dans plusieurs écoles l'interdiction des cours sur l'égalité des sexes.
Les féministes polonaises désignent elles un autre aspect de l'offensive de l'Eglise.
A travers sa campagne contre ce concept "l'Eglise essaie de camoufler les scandales de pédophilie en son sein, qui ont récemment choqué l'opinion publique polonaise", estime Kazimiera Szczuka, une militante féministe célèbre en Pologne.
"En accusant la théorie du genre de nuire à l'identité sexuelle des enfants, l'Eglise veut faire comprendre aux gens que c'est bien cette théorie qui est responsable des sévices sexuels infligés aux enfants, et pas les prêtres", affirme-t-elle.
(Source AFP)