Loi Santé
Chahutée depuis des mois par les médecins, Touraine ne plie pas
Elle ne leur fait pas de cadeaux, les médecins le lui rendent bien: depuis le lancement de son projet de loi, Marisol Touraine est la cible d'attaques, parfois violentes, le lot de tous les ministres de la Santé face aux corporatismes du monde médical.
E-llico.com / Santé / VIH
Chahutée depuis des mois par les médecins, Touraine ne plie pas
Loi Santé
Mis en ligne le 17/03/2015
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Au-delà des traditionnels "Marisol, démission" ou encore "Marisol t'es foutue, les médecins sont dans la rue", entendus dans la manifestation de dimanche, d'autres slogans, certes minoritaires, comparaient la ministre de la Santé à une MST, en "clin d'oeil" à ses initiales. Des préservatifs proclamant "protégez-vous des MST" étaient distribués.
En janvier, une fresque affichée dans une salle de l'internat du CHU de Clermont-Ferrand avait choqué, certains y voyant un nouvel épisode du "lynchage" de la ministre, orchestré sur les réseaux sociaux.
Depuis des mois, les syndicats contestent à la fois le texte, la méthode et la personnalité de Marisol Touraine, qu'ils jugent difficile et peu à l'écoute, voire méprisante à leur égard.
Jeudi dernier, 12 représentants syndicaux ont ainsi dénoncé en choeur l'absence de concertation dans l'élaboration du projet de loi santé. Ils ont relevé le "culot" de la ministre qui avait annoncé des aménagements au texte sans attendre la fin des groupes de travail auxquels elle les avait conviés.
"C'est quelqu'un qui n'entend pas, qui prend ses décisions seule, qui a toujours raison", affirme Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France. "Je me suis fait mon opinion dès la campagne de François Hollande", assure-t-il, relatant un premier contact glacial avec celle qu'il savait ministrable.
Dans les couloirs de l'Assemblée, un ancien collègue PS reconnaît une personnalité "pas toujours facile à gérer" en cette ministre "bosseuse" et "compétente".
"Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle porte cette loi délétère avec conviction", déclare pour sa part Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, principal syndicat de médecins.
Pour Didier Tabuteau, responsable de la Chaire santé de Sciences-po, "la critique du ministre" n'est qu'"un des éléments de pression" des médecins sur les négociations. "Toutes les réformes ont suscité des réactions significatives", à l'instar de la loi HPST de Roselyne Bachelot en 2009.
"Les grands mouvements ont toujours été liés à des réformes de système de santé", explique-t-il, rappelant qu'historiquement, l'identité des médecins s'est construite en opposition aux pouvoirs publics.
"On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de concertation", juge-t-il par ailleurs, mais "peut-être n'y a-t-il pas eu de négociation".
La quasi-absence de praticiens hospitaliers dans le cortège de dimanche montre que les mesures de la ministre sont mieux accueillies dans le public. Parvenu à un accord sur le temps de travail des urgentistes en décembre dernier, le président de l'Amuf Patrick Pelloux ne tarit pas d'éloges envers une ministre qu'il juge "honnête intellectuellement".
"C'est une femme carrée, qui a une politique vraiment de gauche, n'en déplaise au monde libéral. Et moi je soutiens sa loi."
(Avec + photo AFP)