Le magazine gay Têtu, qui vient de célèbrer ces jours-ci son vingtième anniversaire, risque bien de disparaître des kiosques.

"Le tribunal de commerce nous a donné lundi quatre mois pour trouver une solution qui assure la sauvegarde des emplois et la pérennité du titre", a expliqué Jean-Jacques Augier. "Têtu a déjà fait de gros effort de restructuration, mais ne peut pas trouver son équilibre seul. Il est fondamental qu'il soit adossé à un groupe de presse. Si au bout de quatre mois nous n'avons pas trouvé de repreneur, le tribunal prononcera la liquidation", a-t-il ajouté.

"Il est à peine imaginable que Têtu puisse disparaître et pourtant, jamais le risque n'a été aussi grand", indique la direction sur son site internet.

"J'ai approché un certain nombre de groupe de presse, mais je ne suis pas tombé au bon moment", a confié le patron de Têtu, expliquant que le journal est victime à la fois de l'érosion de ses ventes en kiosque et de la baisse des recettes publicitaires.

Créé en juillet 1995 par des militants de la lutte contre le sida, puis repris par Pierre Bergé qui en sera le mécène, le mensuel emblématique de la communauté gay hexagonale n'a jamais gagné d'argent depuis sa naissance.

Actionnaire unique pendant dix-huit ans, Pierre Bergé a joué un rôle de financier protecteur avant de le céder à l'homme d'affaires et éditeur Jean-Jacques Augier en 2013. Le mensuel a depuis supprimé une vingtaine de postes, et emploie 10 salariés, dont 5 journalistes.

Cédé pour un euro symbolique à sonn nouveau propriétaire qui en confiera la rédaction à Yannick Barbe, le journal n'a pas réussi à trouver de viabilité économique au terme de deux ans de reprise.

Après 20 années d'existence, Têtu domine encore le marché très réduit des médias gays aux côtés de quelques magazines gratuits et de deux autres sites d'information LGBT - dont e-llico - malgré une banalisation progressive du titre et un relatif déclin ces dernières années qui ont vu ses ventes passées l'an dernier sous la barre des 30.000 exemplaires chaque mois.

Au cours de ces deux décennies, Têtu, avec ses pages mode et culture et ses articles sur les icônes gays ou la vie de couple, a aussi défendu les droits des homosexuels et lutté contre l'homophobie. Malgré quelques initiatives plus ou moins suivies, la nouvelle équipe mise en place après la cession n'a pas su réinventer une formule rédactionnelle à même de séduire un public suffisant et à véritablement relancer le titre dont l'ADN remonte aux années 90. 

En 2014, le magazine a enregistré 1,1 million d'euros de pertes, pour un chiffre d'affaires de 2,8 millions d'euros. Vendu 5 euros en kiosques, Têtu, dont la diffusion a reculé de 12,5% depuis 2010, s'est écoulé en 2014 à 28.275 exemplaires par mois en moyenne contre 54.000 il y a dix ans.

Interrogé sur un passage à un journal 100% numérique, Jean-Jacques Augier a jugé que "Têtu ne peut jouer son rôle dans la communauté que s'il a une visibilité, avec un magazine papier". "Pour les jeunes gens, il est très important de voir ce magazine présent dans l'espace public.

Têtu organise samedi une fête pour ses 20 ans, qui sera transformée en "fête de soutien", a précisé son patron.

> Yagg aussi a besoin d'aide

Le site LGBT d'information Yagg connaît lui aussi une situation difficile. Il a a décidé de recourir au payant pour une partie de son contenu. Grâce à une campagne de souscription menée il y a quelques semaines, il a collecté 1.112 abonnés.

Mais, ce résultat ne suffit pas à garantir la pérennité du site. "Pour que Yagg soit viable à terme, il nous faudrait entre 3.000 et 4.000 abonné.e.s en permanence, explique son équipe. C'est pour cette raison que nous nous sommes fixé comme objectif d'atteindre les 3000 avant fin septembre".

Vous pouvez aider Yagg en vous abonnant.

(Avec AFP)