Lors d'un concert à Los Angeles vendredi sur la scène de "The Echo", l'auteur-compositeur-interprète de 32 ans à la silhouette fine racontait à quel point ce vote l'avait rendu heureux. "Dans les jours précédant le scrutin, je croisais des gens qui portaient le badge 'oui' et j'avais l'impression qu'ils me disaient 'on t'aime aussi' et c'était très beau", a-t-il souligné auprès d'un public multigénérationnel venu écouter ses ballades mélancoliques et envoûtantes.

"Pendant longtemps en Irlande, si je tenais la main de mon copain je m'attirais des regards noirs. Je me suis déjà fait pourchasser dans la rue", insiste-t-il. En Irlande, "je ne me suis pas senti accepté. Cela me rendait en colère et nihiliste. Et puis tout cela a disparu en un seul jour", le 23 mai, dans ce pays socialement conservateur et sous forte influence de l'église catholique, devenu soudainement le premier pays à autoriser par vote populaire le mariage homosexuel.

Jusqu'alors "je ne me sentais pas fier de mon pays parce que j'avais le sentiment qu'il n'était pas fier de moi", poursuit-il. Longtemps, la musique lui a servi "d'alternative à une vie sociale". Puis, en grandissant, "les paroles de mes chansons sont devenues plus focalisées sur mes sentiments" et ont abordé de plus en plus frontalement la sexualité et son homosexualité, explique-t-il. "Cette chanson parle de prostitution. Bon c'était il y a quelques années", a lancé ce barbu aux grands yeux bleus, pince-sans-rire, avant d'entonner un titre qui parle de se donner à des étrangers.

Le plus narcissique

"Hot scary summer", sur son album "Darling Arithmetic" sorti en avril et enregistré en solo chez lui au nord de Dublin parle de "baisers sur les pavés, dans la chaleur de la nuit, et de tous ces jolis petits homophobes qui veulent en découdre". Pour lui, ce troisième album a tenu lieu de "'coming out' public". "Dans ma vie privée j'ai toujours été ouvert (sur ma sexualité) à des milliers de personnes à la fois à la télévision, ou en donnant des interviews, ça m'a pris du temps".

"Mes précédents albums" - "Becoming a Jackal", 2010, et "Awayland", 2013 - contenaient beaucoup de colère et j'ai eu peur de perdre ma raison d'écrire" en affichant son orientation sexuelle, fait-il valoir, mais dans "Soul Serene", titre phare mélodieux et envoûtant de "Darling Arithmetic", "il y a une paix, une sérénité et toujours un peu de tension. C'est une nouvelle énergie, je vais voir où elle m'emmène". Celui qui plaisantait encore pendant son concert dans la Cité des Anges sur le fait qu'il "parviendrait peut-être un jour à écrire une chanson gaie" souligne qu'il est "inspiré par les chansons joyeuses des autres mais toujours tourné vers la mélancolie et la tristesse" pour ses propres compositions.

"Je ne sais pas pourquoi et c'est un travers que j'aimerais corriger", confie O'Brien, qui compte Radiohead, The Kinks, Bob Dylan ou Nina Simone dans son Panthéon personnel. Il envisage peut-être de futures collaborations extérieures. "Elles me font peur mais ce dernier album était le plus narcissique que j'ai produit et j'ai besoin d'aller dans l'autre direction", conclut celui qui, après sa tournée américaine, participera à un festival à Londres avant de reprendre la route avec le groupe américain Calexico.

(Source AFP)