Droits humains
Le meurtre de Xulhaz Mannan, revers pour la cause gay au Bangladesh
Xulhaz Mannan était au Bangladesh une figure du mouvement gay, lesbien et transgenre, communauté marginalisée mais qui osait de plus en plus se faire entendre. Son assassinat est un revers glaçant pour tous les militants de cette cause.
E-llico.com / Actus
Le meurtre de Xulhaz Mannan, revers pour la cause gay au Bangladesh
Droits humains
Mis en ligne le 29/04/2016
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Il avait contribué à fonder le premier magazine dédié aux gays du Bangladesh, dont il s'est servi comme tremplin pour un mouvement très actif pour défendre les droits des homosexuels dans un pays à majorité musulmane profondément conservateur.
Lundi soir, il a été assassiné à coups de machette avec un autre militant dans son appartement du quartier de Kalabagan, dans la capitale, par des tueurs se revendiquant de la branche bangladaise d'Al-Qaïda. Ses amis et camarades se sont depuis précipités pour gommer toute trace de leur militantisme sur les réseaux sociaux, de peur de devenir à leur tour des cibles.
"Tout le monde se sentait en sécurité grâce à lui. Mais il n'est plus là, alors tout le monde a peur", dit un militant qui avait contribué au lancement du magazine, sous couvert de l'anonymat. "Je suis sûr que tout le monde fait face (désormais) à la même situation dévastatrice". Les meurtres de Mannan et de Mahbub Tonoy à Dacca sont les derniers en date d'une série d'assassinats de blogueurs et défenseurs de la laïcité au Bangladesh.
Des crimes qui ont suscité la colère et la condamnation de la communauté internationale. La branche bangladaise d'Al-Qaida dans le sous-continent indien (Aqis) a revendiqué ces assassinats, les accusant d'avoir oeuvrer à la "promotion de l'homosexualité" au Bangladesh.
Ne pas céder à l'autocensure
Le gouvernement, cependant, a accusé des islamistes du cru d'être derrière ces attaques. La Première ministre Sheikh Hasina a imputé la responsabilité des meurtres au principal parti d'opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh, et à son allié islamiste, le Jamaat-e-Islami. Kyle Knight, qui s'occupe des questions LGBT chez Human Rights Watch, condamne le gouvernement pour n'avoir pas su protéger les militants.
"Ces derniers mois, les militants LGBT ont reçu des menaces de la part des extrémistes, ils prenaient des mesures pour assurer leur sécurité, y compris en ce cachant", écrit-il à l'AFP dans une réponse par mail. "Mais la discrétion des militants et personnes LGBT face aux abus et le souci de sécurité ne doit pas se traduire par l'autocensure. De fait, des individus courageux ont déjà fait part de leurs intentions de redoubler leurs efforts".
Mannan, qui travaillait aussi à l'ambassade des Etats-Unis, avait cofondé en 2014 le premier magazine LGBT du pays, Roopbaan.
L'homosexualité est passible de prison au Bangladesh, mais les poursuites sont cependant très rares. Pour autant, de nombreux homosexuels vivent leur sexualité dans le plus grand secret.
"Quand Roopbaan est paru, la réaction de la majorité fut violente. Mais les choses changent, lentement mais sûrement", écrivit Mannan sur le site du Guardian. Il citait la montée du militantisme ou encore la décision en 2013 de la Première ministre de reconnaître les transgenres, connus sous le nom de "hijras" au Bangladesh, comme un troisième genre, leur assurant leurs droits et les autorisant à s'identifier comme un genre spécifique sur leur passeport et sur tous les autres documents officiels.
En 2014, l'équipe de Roopbaan (nom d'un conte en bengali) avait organisé une première marche "arc-en-ciel" pour défier les préjugés envers les homosexuels. La police l'avait interdite cette année, invoquant des menaces de mort adressées notamment à Mannan. Depuis lundi, de nombreux militants homosexuels gardent leur téléphone éteint et ont désactivé leur profil Facebook.
Pas sûr que Roopbaan, en difficulté financière, survive à la mort de son cofondateur. Mais beaucoup sont convaincus que la communauté homosexuelle du Bangladesh se relèvera. "Il était un homme courageux qui a touché les coeurs", confie sous couvert de l'anonymat un leader de la cause transgenre. "Sa mort est un énorme revers, en tout cas pour le moment."
(Source AFP)