Chems-sex, slam et descente
Pourquoi j'ai décidé de témoigner publiquement
Après la publication sur Facebook du témoignage personnel "Chems-sex, slam et descente" sur son expérience des chems-sex, e-llico a souhaité revenir avec Marc sur les tenants et aboutissants de cette prise de parole publique.
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Pourquoi j'ai décidé de témoigner publiquement
Chems-sex, slam et descente
Mis en ligne le 06/07/2016
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Tu as publié, il y a quelques semaines, un post très personnel et très percutant sur ton compte Facebook (lire en fin d'article), relatant ton expérience de la toxicomanie liée à l'addiction sexuelle qui a beaucoup frappé les esprits.
Ce témoignage à la première personne aborde de façon très directe et sans tabou tous les aspects de ce double problème qui est de plus en plus répandu dans la communauté gay.
D'où le souhait de plusieurs médias - dont e-llico.com - de lui donner un écho et une suite.
Première question, as-tu été surpris par l'impact rencontré par ton témoignage?
Je m’attendais à quelques réactions ici et là, mais pas au point que presque chacun de mes amis s’expriment en virtuel ou en face à face. Ce n’étaient que des messages d’espoir, de vie, et de courage d’avoir le cran de vouloir briser le tabou autour du sujet du chems-sex, et cela me conforte dans le bien fondé de ma démarche
En m’engageant publiquement sur ce terrain-là, en tant que Mister Latex France, je savais que je susciterai quelques prises de conscience au-delà ce cercle d’amis fermé. L’objectif est déjà à moitié rempli que d’avoir mon message relayé auprès d’un public plus grand. L’autre moitié consistera à avoir un discours qui me suivra jusqu’à la fin de mon mandat, et par d’autres moyens de sensibilisation je l’espère.
"Chems-sex, slam et descente", c'est ainsi que tu as intitulé ton post. Pour tous ceux qui ne l'ont pas lu, peux-tu nous rappeler ce qu'il contenait, à grand traits?
J’y traite de toutes les phases par lesquelles j’ai été amené à connaître le chems-sex. A commencer par le premier plan où l’on découvre les mots-clés permettant d’entrer dans ce monde un peu parallèle, que sont "chems", "planant", etc. Puis comment on arrive à en faire sa première commande de produits, l’addiction qui apparait bien vite, la recherche perpétuelle de sexe sous produits et la création de profils parallèles sur les applis de rencontres.
J’y traite du slam, de comment un beau jour alors que je me l’interdisais, j’ai voulu commencer à me piquer et le point de non-retour que cela a constitué.
Et enfin, j’y parle des impacts sociologiques, autant sur ma vie perso, sentimentale, professionnelle, pour terminer par l’aide de mes amis proches et de professionnels.
Je pense que ce qui a marqué les esprits, c’est la description de la pleine conscience du mal que je pouvais me faire, de voir mes propres limites et barrières se briser petit à petit, sans trop m’en rendre compte.
Tu expliques d'emblée que cette "mésaventure", contrairement à ce que beaucoup pensent, peut arriver à tout le monde...
Pour peu que l’on ait envie de se surpasser sexuellement, que l’on se laisse porter par la "convivialité" de l’instant, ou de vouloir jouer avec les interdits, chacun peut être amené à se laisser tenter au moins une fois. Et étant donné que l’on est plus ou moins garanti de passer un bon moment d’éclate, on y repensera forcément après coup.
De là, que l’on soit aisé ou non, sain de corps et d’esprit ou un peu moins, si l’envie nous reprend, on y replonge quasi forcément.
L'addiction, tu l'expliques, est une chose qui se produit insensiblement, sans qu'on y prenne garde ou presque, et quand on s'en rend compte, les dégâts sont déjà là?
Oui, ces produits peuvent marquer d’une manière ou d’une autre, de façon plus ou moins visible suivant les personnes. L’irritabilité et l’anxiété répétées, sont de manière générale de bons indicateurs pour dire que l’on a franchi un cap dans sa consommation. Le corps peut aussi montrer des signes, comme une perte de poids ou un visage qui se creuse progressivement. On peut mettre jusqu’à quelques jours pour se remettre d’une prise de toxiques. De même, ne plus pouvoir jouer sexuellement sans produits est un signe évident de l’addiction.
Ce qui est frappant, c'est l'effet de la double addiction, au sexe et puis aux chems et l'effet multiplicateur que crée cette association qui rend les conséquences plus grave qu'un e addiction unique?
Le sexe est déjà un acte de plaisir, qui peut à lui tout seul être une addiction certaines fois. Si l’on rajoute à cela les effets de performance, d’empathie et de plaisir exacerbé des chems, on a le cocktail idéal pour plonger dans cette double spirale. Du coup, cette toxicomanie liée aux chems est beaucoup plus complexe à traiter qu’une simple addiction, car la composante sexe vient tout perturber. Qui voudrait se passer de sexe, même le plus timide des mecs comme moi à l’origine ?
D’ailleurs, en parlant de toxicomanie, rares sont les mecs qui osent dire se dire à eux-mêmes qu’ils le sont. C’est récréatif pour eux, cela ne relève même pas d’une addiction !
Tu évoquais dans ton post, la perte progressive de tous les repères; amis, couple, travail, vie personnelle. Peux-tu nous expliquer ce processus?
Le mensonge devient très vite une seconde nature, la dissimulation aussi. On cache du mieux que l’on peut le fait que l’on consomme des produits, que cela soit à son conjoint, ses amis, ses potes, ou même à son travail.
Cette perte de repères, c’est d’abord les autres qui la ressente pour nous. Ils nous considèrent plus distant, plus anxieux, ou moins performant dans le travail. Puis c’est à notre tour de réaliser que l’on sort moins, que nos pensées sont obnubilées par le soir ou le weekend à venir, etc.
Fait aggravant, cette double addiction fait rapidement tomber les réflexes de prévention. Très vite, on se met à prendre des risques face au IST en baisant sans capte. Tu peux nous raconter cet effet collatéral?
J’étais de ceux qui pensait : jamais de sexe sans capote. Mais progressivement, cette limite se voie s’ébranler, du fait qu’on apprécie beaucoup plus son partenaire que d’habitude, que la confiance s’instaure plus rapidement qu’elle ne devrait à cause des produits.
De même, être sous traitement TPE ou PrEP suivant les cas, on se sent comme intouchable face au VIH, du coup on relâche plus facilement ses principes, jusqu’à franchement adopter tous les risques que l’on s’interdisait. C’est sans compter toutes les autres IST, mais ce n’est pas grave se dis-t-on, on échappe à celle qui est incurable pour le moment. Malgré que l’on sache que les symptômes et les traitements pour certaines IST soient lourds et pénibles.
Pour s'en sortir, tu expliques avoir dû rencontrer le bon interlocuteur, à savoir quelqu'un qui comprenne ta double problématique à la fois sur les plan de l'addiction sexuelle et toxicomaniaque.
Oui, d’une car les psys pour la plupart s’avoue bien incompétents pour traiter du problème des toxiques comme ils appellent ça dans le milieu médical. Et de deux, car les simples addictologues sont mal informés au fait que ce problème comporte une facette sexuelle qu’il convient de prendre en compte en même temps que les chems.
Pour trouver au moins l’écoute nécessaire, il faut se tourner vers des structures spécifiques sur ces questions de santé sexuelle. J’ai trouvé pour ma part ce qu’il me fallait auprès de l’addictologue du centre de santé sexuelle "Le 190". D’autres structures doivent certainement exister, je pense notamment chez "Aides". L’écoute est primordiale pour se sentir au moins compris, et hors de tout jugement. L’aide qu’ils peuvent apporter est par contre totalement dépendante de notre volonté à nous en sortir, on n’est pas forcément prêt pour cela dès le premier entretien, mais c’est indéniablement un premier pas vers la sortie de cette consommation de produits.
Aujourd'hui, après ce témoignage fort, tu as décidé de poursuivre ce qui s'apparente à un combat pour rendre publique la parole autour de cette problématique encore très taboue dans la communauté LGBT. Est-ce un combat difficile? Et penses-tu, notamment, que ton statut de représentant de cette communauté en tant que Mr Latex, te donne un devoir de parole précisément?
Pour l’instant je n’ai eu l’occasion que d’en parler lors d’un débat pendant Paris Fetish. Le combat est difficile car on parle là d’une pratique qui a lieu dans la sphère privée, au contraire de pratiques comme le fétichisme qui peuvent se vivre au grand jour. Aborder la question est donc délicat, et vu qu’elle est taboue, c’est difficile de sentir si la prise de conscience est sincère ou non (si tenté que la personne consomme elle-même des produits).
Quant à mon rôle de Mister Latex France, je ne représente qu’une infime fraction de cette communauté LGBT, le fétichisme du latex en l’occurrence. Mais je crois que oui, qu’être un représentant, cela donne un peu plus de voix et de portée à des messages d’intérêts généraux. La sensibilisation sur le safe-sex est l’un de ces messages, alors pourquoi pas la sensibilisation sur les dérives du chems-sex.
Enfin, n'est-ce pas trop lourd de devoir à la fois gérer ton combat personnel contre l'addiction et un combat plus médiatique et collectif autour de cette problématique ?
L’un ne va pas sans l’autre pour moi. J’aurai pu arrêter l’usage de produits sans en faire mention publiquement, mais je me sentais la nécessité de rétablir une vérité que j’ai caché à tout un chacun. Chaque combat, qu’il soit envers moi-même et mon addiction passée, ou médiatique, se renforce mutuellement.
Et les messages d’encouragements sans fin que je peux avoir ne font que confirmer que mon choix était le bon !
Je m’appelle Marc. Et il ne m’a fallu que 6 mois pour devenir toxicomane, et un consommateur sexuel débridé.
Le plaisir était mon moteur, la drogue mon carburant, et je remplissais le réservoir avec l’aide de mes fidèles seringues. Mon sang, j’en connais la couleur par cœur, me donnant le top départ d’un voyage vers un royaume de chaleur sexuelle et de bonheur.
Mais ce paradis n’était pas accessible sans en payer le prix, toujours plus élevé. Faire semblant d’être clean, mentir à mes proches, ressentir le manque, voir ma santé se fragiliser, briser mon couple, perdre mon emploi, ressentir la honte et la culpabilité… Et jusqu’à jouer à pile ou face avec le VIH.
La délivrance, je l’ai eu en voulant apporter mon aide à un autre garçon dans une situation semblable. Mes paroles ne l’ont probablement pas touché, mais me sont revenues comme un boomerang. De ce jour, j’ai trouvé la force d’arrêter, jeter plusieurs centaines d’euros dans l’évier, et calmer mes peurs et mes angoisses.
Je souhaite livrer mon témoignage de cette lente et douloureuse descente aux enfers, et montrer toute la complexité qui lie l’usage de drogue au sexe.
MONSIEUR TOUT LE MONDEJ’ai 31 ans, suis homo, ne me trouve ni trop beau ni trop moche, un appartement que je loue, des amis et connaissances, vais boire un verre de temps à autre, joue aux jeux vidéo, fais des balades en moto…
J’ai mes doutes, mes peurs, mes petits plaisirs, j’aime passer du temps seul ou avec d’autres. J’aime aussi prendre du bon temps par le sexe.
Bref, je pourrai être n’importe qui, comme les autres mecs que j’ai côtoyés et qui consomment des produits. Le point commun que je m’en fais, c’est que l’on recherche tous à pimenter notre vie sexuelle, atteindre de nouvelles sensations d’excitation et de bonheur. Et on a tous cet attrait de l’interdit et des limites, le frisson de la transgression avec la pointe de remord que cela procure.
Tout ça pour son propre plaisir sexuel. Mais la face cachée est nettement moins reluisante…
PREMIER CONTACTUn plan normal, et le mot « chems » est écrit. De là je découvre comment on reconnait les mecs qui veulent faire ce genre de plans sous produits, de même que « planant » ou « plan long ». On se sent super excité, envie de baiser longtemps et sans fatigue, bref on en a envie et on remet ça sans cesse.
Et c’est vrai que le premier sniff, c’est-à-dire prendre la poudre par le nez, tient toutes ses promesses. C’est l’un des meilleurs plans que j’aurai eu l’occasion de faire de ma vie, comme toute première fois.
RECOMMENCER ET PREMIÈRE COMMANDEPuis quelques jours après, je repense à ce plan qui m’a laissé un super souvenir. Je réussi à trouver un mec avec les mêmes mots clés, et cette fois-ci je demande par curiosité où il s’en procure. Il me donne un site web.
C’est si facile de s’en procurer, c’est surprenant de trouver des produits interdits quasi en vente libre. Du coup je tente d’en commander, juste 2gr pour commencer, car je ne veux pas tomber dans l’addiction, car je sais que ces produits peuvent détruire à forte dose.
Puis quand je reçois ma commande, je me tente une petite ligne pour tester le produit. Y’a pas à dire, c’est vraiment bien, je suis chaud et prêt à de l’action. Ça se finira devant un porno car je n’ai pas envie de bouger.
ADDICTIONLes plans sous chems commencent à se multiplier, car c’est vraiment bon de partager cet état d’être. Moi qui étais timide et faisais rarement de plans cul, je commençais vraiment à me désinhiber et à passer plus facilement à l’acte.
J’ai un principe en béton concernant l’usage de la capote, même sous l’emprise de produits je reste fidèle et je m’assure qu’on utilise une capote ! Pourtant, un ami proche me met en garde sur ce sujet de la capote. Je veux bien le comprendre, mais je lui assure et c’est vrai, que je resterai toujours fidèle à la capote. Il me met aussi en garde à ne pas consommer trop souvent du produit, mais y’a aucun souci car je me sens gérer ma consommation… Je ne conçois pas non plus de faire comme certains mecs, et de m’injecter ça dans les veines, c’est trop !
Pourtant, un jour en rentrant après une journée au taf où je ne me sens pas épanoui, je me fais une petite ligne histoire d’être bien. C’est là que sans m’en rendre compte, je dissocie l’usage du produit de l’acte sexuel. Et que ma consommation commence à grimper en dehors des weekends.
Je consomme à ce moment-là tous les 2 ou 3 jours, jusqu’à 5 lignes à chaque fois.
INFORMATION, EFFETS POSITIFS ET NÉGATIFSPlusieurs sites et forums existent, et traitent spécifiquement de la consommation de produits. Certains y écrivent leurs expériences géniales, et d’autres plus rares y mettent des sessions qui tournent au drame voire à la perte d’un proche, entendez la mort.
Je lis beaucoup, me renseigne. J’ai bien conscience que ces drogues représentent une porte ouverte vers l’isolement, et une perte de santé plus ou moins élevée.
Malgré tout, les effets qu’on recherche sont bien là : excitation, sentiment de bien-être, énergie, d’amour de l’autre. On ignore ou on se voile la face sur des symptômes négatifs, pourvu qu’on atteint le but qu’on recherche.
Et ces effets négatifs, il y’en a un paquet, plus on consomme en quantité ou dans la durée. Soif, fatigue, pupilles dilatées, augmentation du rythme cardiaque, tremblements, grincement de dents, respiration haletante, anxiété, dépression, bad trip (panique, idées suicidaires, hallucinations…), etc. Et le pire d’entre tous, l’overdose, pouvant conduire à la mort.
SEXE ET APPLISLe milieu homo étant entouré à la fois de silence et de commérages, il m’était indispensable de cacher le fait que je consommais des produits. J’ai donc crée des profils sur les applications de rencontre où je ne montrais pas mon visage et demandais ouvertement l’usage de drogue. Et je gardais mon profil principal où tout le monde me connaît, clean de tout soupçon.
Les applis deviennent très vite pour moi un terrain de chasse permanent, et je deviens même un chasseur de nuit, connecté à 3h du matin pour trouver un plan et étancher ma soif de cul, perché par les produits.
Les touzes, j’en ai essayé, c’est un de ces moments où la drogue est plus que bienvenue et largement promue, sans parler de la forte probabilité d’y baiser sans capote. Pour de multiples raisons, cela n’était pas pour moi, et je restais fidèle à mon principe d’usage de la capote.
Il y’a aussi eu l’effet pervers de vouloir à tout prix jouer, y compris avec le premier mec venu. J’en étais arrivé à revoir mes critères de partenaires à la baisse, je me dévaluais dans mon estime de moi-même.
SLAMEt alors que je m’étais interdit de le faire, je me suis réveillé un jour avec l’envie de tester UNE fois l’injection par intraveineuse. Plein de renseignements pris sur Internet, et plus tard je me retrouve avec ma boîte contenant tout le matériel nécessaire chez moi. Et le pire c’est qu’il suffit de se rendre à la pharmacie du coin, naturellement en subissant le jugement du pharmacien qui sais pour quel usage ce type d’équipement est conçu : l’usage de drogue.
Je m’injecte enfin, et cela a signé le point de non-retour de ma consommation de drogue : la sensation était décuplée, intense… A recommencer ! Ce que je m’étais toujours interdit, je l’ai embrassé à corps perdu.
Dès lors j’ai arrêté le sniff ou le parachute (prise de produit par ingestion), qui me paraissaient bien fades. Dès lors, la spirale destructrice n’a cessé de m’emporter.
AMIS, COUPLE ET VIE PERSONNELLEJ’étais en couple à ce moment-là, et hélas la drogue était devenue une obsession pour moi. Je trouvais les prétextes les plus fallacieux pour rentrer chez moi, me soustraire à la présence de mon conjoint. Je l’aimais de toutes mes forces, mais l’envie de me piquer était la plus forte.
Le mensonge commençait à devenir une partie de moi, de la même manière que l’on respire pour vivre. Ce mensonge a fini un jour par se savoir, et signer la rupture de mon couple.
Mes amis et mon ancien conjoint n’ont cessé de vouloir m’apporter leur aide. L’incompréhension les guidaient. Ils ont essayé tous les mots, pour tenter de me convaincre que ce que je faisais était mal et destructeur pour moi.
Le problème, c’est que je savais pertinemment que c’était mal, et je n’arrivais pas à arrêter. Produits aidant, j’ai même pris leurs paroles pour du jugement et de la critique. L’aide se transformait en raison supplémentaire de continuer à me shooter, à plonger dans ma bulle de bonheur qu’ils ne pouvaient pas comprendre, et aussi oublier mon mal être, la dualité que j’éprouvais face à ces produits.
Je deviens de plus en plus isolé, je sors de moins en moins, répond de moins en moins au téléphone, rien n’importe que ma dose.
VIE PROFESSIONNELLECela faisait déjà pas mal de temps que je ne m’amusais pas au travail, que j’avais le sentiment de tourner en rond. La drogue n’a rien arrangé évidemment. Elle a amplifié ce sentiment de malaise.
Personne n’a su que je me droguais, on a mis ça sur le coup de la dépression que j’avais depuis un certain temps. Sauf qu’à force d’arrêts maladie et de performances au travail en dessous de tout, mon employeur s’est décidé à se séparer de moi.
Voilà, je me retrouve avec l’idée de revenir au chômage, et ma consommation reflète ce malaise… Je ne cesse de me shooter pour combler ce vide et ce désespoir.
Au plus fort de ma consommation, je me piquais tous les jours à raison de 10 à 15 injections.
AIDE DE PROFESSIONNELSJe me décide de mettre ma psy au courant, après l’insistance qu’ont eu mes amis et mon ex-conjoint. Toutes nos séances tournent autour de cela au lieu des vrais sujets de fond qui me minent. Son aide s’en trouve limitée, et elle avoue ne pas être compétente pour ce sujet précis.
Les addictologues sont une meilleure solution, seulement n’ayant pas conscience du fait que le chems-sex est intimement lié au sexe, je ne trouve pas l’écoute qu’il me faut.
Jusqu’à tomber sur l’écoute du centre de santé sexuelle appelé le 190, qui accueille des homosexuels pour des questions de santé, de psychologie, et d’addiction. Je suis soulagé qu’enfin quelqu’un m’écoute, jusqu’à me sortir le parcours typique d’un consommateur de drogue et de sexe comme moi. Jusqu’à l’idée que j’ai eu de me faire escort, de louer mes services pour du sexe.
Mais même avec une écoute bienveillante, aucun mot n’a pu m’aider à trouver la sortie de tout cela.
SEXE SANS CAPOTEMes amis m’ont averti que j’irai toujours plus loin dans ma débauche, et ça n’a pas loupé. J’ai baissé ma garde et un beau jour j’ai eu une terrible envie de jouer sans capote. Chose promise, chose due, je l’ai fait, avec un séropositif tant qu’à faire, indétectable comme ils le disent tous.
Pris de remords après le plan, je cours aux urgences pour prendre le TPE et tenter d’échapper au VIH.
Mais le temps passe, et je me dis qu’étant protégé par la pilule, je ne risque rien, je recommence à baiser sans capote…
LE PLAN DE TROPMon TPE s’arrête, je me dis stop aux conneries, je reprends la capote.
C’était sans compter sur le plan pendant lequel tout a failli basculer dans ma tête.
Je trouve un mec qui de manière très perturbante m’entraine dans mes fantasmes les plus noirs. Le sentiment de fraternité, de sexe dépravé et aux frontières de ce que la société considère comme correct. Je me voyais déjà être le nouveau maillon d’une chaîne de destruction.
On décide presque de la vie en violant à la santé de chacun, on se laisse griser par le pouvoir que cela représente…
Et c’est là que l’étincelle de lumière me frappe derrière ce voile de ténèbres qui me recouvrait. Ce mec, il se trouve qu’il souffre aussi d’être prisonnier de la drogue, que c’est un prétexte à masquer ses propres problèmes de vie. Et c’est en voulant apprendre un peu qui il était, que j’ai senti ses propres fissures. Il transpirait tellement de ses propres problèmes, que j’ai voulu l’aider du mieux que je le pouvais.
Plus j’insistais à vouloir le faire parler, plus il se refermait. Plus il se refermait, et plus j’ai eu pitié de lui. Plus j’avais pitié de lui, plus je me sentais impuissant face à sa souffrance. Plus je sentais sa souffrance, plus je souffrais.
Et finalement, au moment même où je rentre et met le pied chez moi, je m’effondre en pleurs. Je pleurerai toute la journée comme ça.
Je pleurais de tristesse pour ce mec, mais plus encore, je pleurais de ma propre condition. Je réalisais ENFIN toute la futilité, la tristesse, la solitude dans laquelle je me trouvais.
SE RELEVERJe ne suis pas croyant ni ne crois en une force supérieure, très peu pour moi ce genre de choses. Mais ce genre de choc nous fait presque revoir notre idée de la chose. Le bien, le mal, les lumières et les ténèbres, l’imagerie collective qui y sont associés.
La première chose que j’ai faite quand je me suis calmé, c’est de prendre en vidéo la destruction des produits que j’avais encore en stock, et d’envoyer cette vidéo aux amis qui ont toujours espéré me voir arrêter. Ils en ont eu presque la larme à l’œil disaient-ils.
Et je voulais mettre des mots sur tout cela, sur tout ce que j’ai vécu. Je voulais le faire, d’une pour que mes amis se rendent compte de ce que j’ai pu vivre. Et aussi, pour je ne sais quelle raison, laisser une trace visible de tous.
BILANAujourd’hui, je ne consomme plus rien depuis le vendredi 13 mai 2016, date de ma prise de conscience. Qui aurait pensé qu’une date aussi chargée de malchance ou de chance dans l’inconscient collectif, soit le jour où je choisisse de reprendre les rênes de ma vie.
Je suis sous TPE, et je sais que le risque est bien réel que le VIH ai eu le temps de s’installer en moi. Je suis donc suspendu à 6 semaines, le temps nécessaire pour que le diagnostic soit confirmé ou non.
Je termine de rédiger ce témoignage 4 jours après ma dernière prise de produit, j’ai donc traversé des moments de profonde déprime et de manque. J’ai écrit, effacé, corrigé, un nombre incalculable de fois, et je ne serai jamais satisfait de la forme finale qu’aura ce récit. Mais il faut bien y mettre un terme un jour, et pouvoir avancer sur d’autres sujets.
A tous ceux qui me connaissent, à tous ceux qui m’ont lu, à tous ceux qui se reconnaissent de près ou de loin dans ceci, je vous demande pardon. Et si vous trouvez la force de me pardonner, je vous demanderai de m’apporter votre soutien dans l’avenir qui se présente à moi.
Merci.