Sida
Il y a 20 ans, trois ex-ministres jugés dans l'affaire du sang contaminé
Il y a vingt ans, s'ouvrait le procès de trois anciens ministres dans l'affaire du sang contaminé par le virus du sida. A l'instar des autres épisodes judiciaires de ce scandale sanitaire, il laissa un goût amer aux victimes et à leurs proches.
E-llico.com / Santé / VIH
Il y a 20 ans, trois ex-ministres jugés dans l'affaire du sang contaminé
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Mis en ligne le 04/02/2019
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9 février 1999: l'ancien Premier ministre Laurent Fabius (1984-86) et deux ex-membres de son gouvernement, Georgina Dufoix (Affaires sociales) et Edmond Hervé (Santé), comparaissent devant la Cour de Justice de la République (CJR) pour homicides et blessures involontaires.
C'est la première fois depuis le début de la Ve République que des ministres sont jugés pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
La justice a retenu les dossiers de sept victimes mais plusieurs centaines d'hémophiles et de transfusés ont été infectés avant la mise en place jugée trop tardive - en août 1985 - d'un test de dépistage du virus du sida dans les dons de sang.
Pour l'accusation, le délai avant de rendre ce test obligatoire visait à donner à la société française Diagnostics Pasteur le temps de rattraper son retard sur son concurrent américain Abbott. Une autre hypothèse sera avancée au procès, celle des raisons budgétaires. -
Responsable, mais pas coupable
On reproche par ailleurs aux prévenus d'avoir laissé écouler, jusqu'en octobre 1985, des produits sanguins tous potentiellement contaminés, car non chauffés pour inactiver le virus, et de ne pas avoir veillé à l'application de directives écartant les donneurs à risque.
Dès le premier jour, des victimes les accusent violemment, rapporte l'AFP dans son compte-rendu d'audience: "ignorer l'urgence du Sida en 1985, c'est comme dire qu'on ignorait les camps de concentration en 1945", assène la maman d'un petit garçon transfusé à la naissance, et décédé à cinq ans.
"Je me sens pleinement responsable, mais pas coupable", avait déclaré Georgina Dufoix à l'éclatement de l'affaire, dans une formule restée célèbre.
Intervenant après des années d'atermoiements judiciaires, le procès était très attendu par les victimes et leurs proches, qui veulent voir les responsabilités politiques établies.
Depuis leurs premières plaintes, déposées en 1988, ils n'ont obtenu que la condamnation en 1992-1993 de quatre médecins, dont l'ancien patron du Centre national de transfusion sanguine (CNTS) Michel Garretta (quatre ans de prison ferme pour "tromperie").
L'un des moments forts du procès est l'intervention d'une victime, Sylvie Rouy, 35 ans, en fauteuil roulant, écrivent les journalistes de l'AFP. Contaminée quatorze ans plus tôt lors de son accouchement, elle accuse les prévenus de "crime".
Victimes scandalisées
Le ministère public requiert la relaxe - sans surprise puisqu'il avait demandé un non-lieu pendant l'instruction - tout en suggérant un "blâme public".
Les journalistes de l'AFP décrivent le "malaise" suscité par un président de Cour, Christian Le Gunehec, qui "maîtrisait mal les débats et connaissait insuffisamment le dossier"; "l'impression de se trouver plus devant un jury d'honneur que dans un prétoire", avec des témoins (conseillers ministériels, chercheurs ...) rarement confrontés à des questions gênantes.
Autre curiosité: plusieurs jours avant le jugement, "l'intouchable secret des délibérés avait été largement violé: toute la presse et la classe politique savaient déjà (...)".
Le 9 mars 1999, Laurent Fabius et Georgina Dufoix sont relaxés, Edmond Hervé est condamné mais dispensé de peine.
Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale et futur président du Conseil constitutionnel, peut se considérer comme réhabilité: pour la CJR, "son action a contribué à accélérer les processus décisionnels".
Mais l'arrêt ne satisfait ni les victimes, scandalisées, ni la classe politique, certains à droite comme à gauche demandant déjà une réforme de la CJR.
Quelques années plus tard, le non-lieu général prononcé en 2002 pour trente conseillers ministériels ou responsables de santé publique par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris - confirmé en cassation en 2003 - provoquera à nouveau colère et déception.
Rédaction avec AFP
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