Attentat
A son procès en appel, la personnalité trouble de la jihadiste Inès Madani
Influençable ou manipulatrice? Homme ou femme? Homosexuelle? Au procès en appel d'Inès Madani, la cour d'assises spéciale de Paris s'est penchée mercredi sur la personnalité trouble de la jeune jihadiste, rejugée cinq ans après un attentat raté aux bonbonnes de gaz près de Notre-Dame.
E-llico.com / Actus
A son procès en appel, la personnalité trouble de la jihadiste Inès Madani
Attentat
Mis en ligne le 27/05/2021
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Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, Inès Madani, alors âgée de 19 ans, a tenté avec une comparse d'incendier la voiture familiale contenant six bonbonnes de gaz devant des terrasses bondées, près de Notre-Dame de Paris. Seul un mauvais choix de carburant a permis d'éviter une explosion meurtrière.
Pour ce projet d'attentat, et pour la tentative d'assassinat d'un policier lors de son interpellation le 8 septembre 2016 à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), Inès Madani a été condamnée en première instance, en octobre 2019, à 30 ans de réclusion criminelle, une peine dont elle a fait appel.
Devant la cour qui rejuge les faits depuis mardi, les parents et trois des soeurs d'Inès Madani ont chacun insisté sur son "très jeune" âge et son "immaturité" au moment des faits. A l'époque, cette "gamine" solitaire et radicalisée vit "recluse dans sa chambre", les volets toujours clos, "du matin au soir", décrivent ses proches à la barre. Au domicile familial en région parisienne, Inès Madani, visée par une interdiction de quitter le territoire après avoir tenté début 2016 de partir en Syrie, s'abreuve de vidéos de bombardements de civils, qui la "révoltent", et de propagande du groupe Etat islamique (EI).
"Scotchée à son téléphone", passant ses journées sur Internet, c'est travestie en homme, à l'aide de pseudonymes de combattants masculins de l'EI de retour en France, qu'elle entre en relation avec de nombreux aspirants jihadistes, dont plusieurs femmes, incitant certains au départ en Syrie. Ce rôle "central" de recruteur lui a valu dans un autre dossier une condamnation en avril 2019 à huit ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Paris. Inès Madani n'a pas toutefois cherché à convaincre toutes ses interlocutrices de rejoindre l'Etat islamique.
Deux personnalités
Avec l'une d'elles, dans plus de 600 échanges en un an, elle parlait en se faisant passer pour "Yacine", puis pour sa soeur "Inès", de "tout et de rien". Pour la rassurer, Inès Madani contrefait sa voix dans des appels téléphoniques ou utilise la photo de son beau-frère. Sans cacher son "délire pour l'Etat islamique", "Yacine" évoque aussi le quotidien, livrant des "bribes" de la vie réelle d'Inès Madani.
"C'est assez particulier quand même ces deux personnalités, cette double casquette. Qu'est-ce que vous recherchiez dans ces discussions ?", s'interroge le président de la cour. "Je ne sais pas, j'aimais bien parler avec elle", lui répond d'une voix douce mais assurée Inès Madani, ample pull rose et cheveux tressés retenus en chignon, décrivant une "relation sentimentale".
L'une de ses avocates, Daphné Pugliesi, insiste: lors de l'enquête, trois autres femmes ont décrit des échanges "banals", de la drague mais sans aucune idée de recrutement. Que trouvait-elle dans ce "travestissement"? "A cette époque, ça comblait le manque, le manque affectif. J'avais aucune relation avec personne", lâche juste Inès Madani, qui opine quand on lui demande si elle a pris du plaisir à se faire passer pour un homme.
Pour sa famille, c'est sa rencontre mi-2014 avec une voisine de plus de dix ans son aînée qui a fait "basculer" Inès Madani dans l'endoctrinement jihadiste et l'a "conduite là où elle est". Cette voisine, partie en Syrie début 2015, était "le grand amour" d'Inès Madani, estime l'une de ses soeurs. Tous avaient la "crainte" qu'elle la rejoigne. Pour cette soeur, la seule à aborder frontalement l'homosexualité d'Inès Madani, son "attirance pour les femmes", "occultée" par sa famille, a aussi "beaucoup joué dans son mal être et son envie de mourir".
En septembre 2016, elle garait près de Notre-Dame une voiture remplie de bonbonnes de gaz, en compagnie d'Ornella Gilligmann, tombée amoureuse du personnage masculin fictif créé sur Internet par Inès Madani. Condamnée définitivement à 25 ans de réclusion pour cet attentat raté, Ornella Gilligmann sera entendue mardi comme témoin. Le verdict est attendu le 7 juin.
Rédaction avec AFP
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