Justice
Treize ans de réclusion requis à Paris pour un viol lesbophobe
Une heure de calvaire, précédée par des mots: "Tu kiffes les meufs? Eh bien je vais te faire kiffer". Treize ans de réclusion ont été requis en appel jeudi à Paris contre un jeune homme pour un viol lesbophobe d'une "violence inouïe".
E-llico.com / Actus
Treize ans de réclusion requis à Paris pour un viol lesbophobe
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Mis en ligne le 28/05/2021
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Un jeune homme jugé en appel pour le viol d'une femme lesbienne
L'avocat général a demandé à la cour d'assises de condamner l'accusé, âgé de 25 ans, pour "viol en raison de l'orientation sexuelle" sur une jeune femme, un crime qui arrive de manière rarissime devant les tribunaux.
En mars 2020, l'agresseur de Jeanne (dont le prénom a été modifié à sa demande) avait été condamné à 15 ans de réclusion criminelle, la peine maximale prévue en cas de viol, par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis. Mais la circonstance aggravante du caractère homophobe de l'agression n'avait pas été retenue. La peine requise jeudi en appel est plus faible du fait des aveux de l'accusé, qui a enfin reconnu le viol et les violences lors de ce deuxième procès.
"Il avait envie de me détruire pour ce que je suis", a témoigné jeudi matin à la barre Jeanne, 34 ans. La jeune femme menue a relaté, bouleversée, "une heure de torture, de mises en scène et d'humiliations" infligées par ce garçon qui l'avait séduite place de la République à Paris, le soir du 7 octobre 2017. L'expertise médicale avait relevé de "très nombreuses plaies sur l'ensemble du corps", "une perforation du tympan" et des ecchymoses au niveau du cou et du thorax, et vingt jours d'incapacité totale de travail (ITT) lui avaient été prescrits.
"Il n'a pas aimé que je le ramène chez moi, que je lui dise non, que je sois lesbienne", a-t-elle dit à la cour. La jeune femme a aussi énuméré les phrases glaçantes prononcées cette nuit-là par son agresseur, quand elle lui a expliqué ne finalement pas vouloir avoir de relation sexuelle avec lui : "Tu kiffes les filles? Eh bien, je vais te faire kiffer", "T'as compris? Tu feras moins ta conne maintenant?", jusqu'au "petit bisou" demandé alors qu'il quittait son appartement après lui avoir volé une bague et sa carte bancaire. Interrogée par la présidente de la cour sur sa vie après son agression, Jeanne, qui écrit et compose de la musique, a simplement répondu : "Ca a été l'enfer".
"Droit chemin"
Dans le box, l'accusé, arrivé de Tunisie à l'adolescence et placé à l'aide sociale à l'enfance, décrit par les experts comme "immature" et "égocentrique", a affirmé "ne pas avoir de problème" avec l'orientation sexuelle de sa victime. Incarcéré plusieurs fois pour trafic de drogue et vol avec violences, le jeune homme était par ailleurs connu de la police pour des faits d'agression sexuelle.
Évoquant un viol d'une "violence inouïe", l'avocat général a aussi requis jeudi contre lui cinq ans d'obligation de suivi socio-judiciaire et cinq ans d'interdiction du territoire français. Aux enquêteurs qui l'avaient interrogé pendant sa garde à vue, le jeune homme avait lâché à propos de sa victime : "Elle est 'chelou', elle me dégoûte". Pour l'avocat de Jeanne, Stéphane Maugendre, il ne fait aucun doute que son agresseur "voulait la faire revenir dans le droit chemin", "la faire kiffer de façon hétéro".
"Il a une obsession de son homosexualité, il en parle tout le temps", a estimé l'avocat, qui a relevé douze allusions à l'orientation sexuelle de la jeune femme dans ses diverses auditions. L'avocat de l'accusé, Paul de Bomy, a au contraire affirmé que le fait que Jeanne "soit lesbienne était hors sujet". "Il ne sait pas comment il en est arrivé à ce délire sexuel", "il a réagi de façon bestiale", a-t-il tenté en guise d'explication.
"Quatre pour cent des femmes hétérosexuelles disent avoir été victimes de viol, contre 10% des femmes lesbiennes. On ne peut pas faire semblant de ne pas comprendre", avait insisté l'avocate générale lors du premier procès, à Bobigny. "Un macho est plus violent avec une lesbienne", avait-elle lancé, estimant qu'on n'était "manifestement pas allé au bout" de la réflexion sur ces agressions dont sont victimes les femmes homosexuelles.
Le verdict est attendu ce vendredi.
Rédaction avec AFP
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