Au Venezuela, la peur des transgenres face aux violences - <I>On nous tue</I>

On nous tue

Au Venezuela, la peur des transgenres face aux violences

Il y a peu, Alexa a été arrêtée par la police lors d'un contrôle routier. Quand les policiers ont vu que sa carte d'identité indiquait Alexander, ils lui ont demandé de sortir de sa voiture pour la fouiller. "Ils voulaient me déshabiller" par "curiosité morbide", se souvient la jeune transgenre vénézuélienne.

E-llico.com / Actus

Au Venezuela, la peur des transgenres face aux violences
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Mis en ligne le 24/06/2021

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"Ils m'ont dit 'enlève ta culotte parce que nous devons voir si tu as de la drogue', ils m'ont fait enlever mon soutien-gorge", raconte Alexa, 33 ans. Ce n'est pas la première fois qu'elle est confrontée à ce type d'agissements dans un Venezuela conservateur, où domine le rejet de la communauté LGBT+ et où aucune loi ne garantit les droits des transgenres.

Alexa La Galana est le nom qu'elle a adopté il y a dix ans lorsqu'elle a commencé sa transition. Elle a reçu un traitement hormonal et grâce à une émission de télé-réalité, a pu subir une opération de changement de sexe. Elle vit dans un bidonville de Caracas, baptisé "23 de Enero", où elle exerce comme travailleuse du sexe par "nécessité". Jusqu'à présent elle n'a jamais été agressée physiquement. Mais elle doit faire face aux insultes, aux regards malveillants. Cependant, "dans un pays aussi violent que le Venezuela, la meilleure chose (...) c'est de continuer à avancer", dit-elle.

En 2020, le pays sud-américain a enregistré 45,6 homicides pour 100.000 habitants, sept fois plus que la moyenne mondiale, selon l'Observatoire vénézuélien de la violence, qui fait référence en l'absence de chiffres officiels. Il n'y pas davantage de chiffres officiels concernant les violences contre la communauté LGBT+. Les données compilées par des ONG font état d'une centaine de personnes tuées en raison de leur orientation sexuelle depuis 2008, principalement des homosexuels et des transgenres.

"Une femme comme moi"

La semaine dernière, une femme transgenre a été assassinée et mutilée dans un quartier de Caracas dans des circonstances que les autorités n'ont pas encore éclaircies. Une dizaine de personnes ont protesté lundi contre ce meurtre condamné par la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) qui a dénoncé "le niveau particulier d'acharnement et de cruauté" de cet assassinat. Une banderole résumait la dure réalité : "On nous tue !" Le soir même, un couple gay était assassiné.

Pour Alberto Nieves, directeur de l'association Action citoyenne contre le sida (ACCSI), ce type de violences n'est malheureusement pas nouveau. Son association a recensé 109 morts violentes dans la communauté LGBT+ entre 2008 et 2017. La plupart des victimes sont des transgenres. "À Caracas, par exemple, des trans ont été jetés du 17e étage d'un immeuble en construction, et à Barinas (ouest) deux corps ont été retrouvés avec la tête coupée à la machette", explique M. Nieves.

Le Venezuela n'a pas de procédure claire pour changer d'identité. En 2017, la Cour suprême a accepté d'examiner un recours pour que soit reconnu le droit de changer de nom et de sexe, sans réponse à ce jour. Comme Alexa, Michelle Artiles a eu des problèmes avec les autorités en raison de ses papiers. "Qu'est-ce que tu as entre les jambes ?", lui a lancé un jour un policier lors d'un contrôle. "J'étais collée à un mur, ils ont commencé à me tripoter de la tête aux pieds. (...) J'ai fini par donner 10 dollars" à l'officier de police pour le soudoyer, raconte-t-elle.

Michelle dit que ce n'est pas facile de faire sa "transition" au Venezuela et se dit prête à émigrer "n'importe où". "Mais même si je meurs demain, je dois continuer avec ça", confie la jeune femme aux longs cheveux, dans un hôtel de Caracas où elle participe à un événement universitaire. Elle a commencé sa transition récemment, peu après la mort de son père. Sa mère a encore du mal à l'appeler Michelle et certains proches ne lui parlent plus. Elle veut "briser les stéréotypes", mais ne cache pas que le meurtre particulièrement sordide de la jeune transgenre lui a fait peur. "C'est la première fois que je crains pour ma vie", confie-t-elle. "Je me suis dit: 'C'est une femme comme moi, ils peuvent me tuer'".

Rédaction avec AFP


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