Discrimination
La justice française ordonne à Twitter de détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne
Une décision saluée comme un "grand pas" par des associations de lutte contre les discriminations: la justice française a ordonné mardi à Twitter de communiquer, dans un délai de deux mois, des documents détaillant ses moyens de lutte contre la haine en ligne.
E-llico.com / Actus
La justice française ordonne à Twitter de détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne
Discrimination
Mis en ligne le 07/07/2021
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SOS Racisme, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et SOS Homophobie, entre autres, avaient assigné le réseau social devant le tribunal de Paris en mai 2020 en estimant que l'entreprise manquait de façon "ancienne et persistante" à ses obligations de modération.
Les parties se sont engagées dans une médiation qui a échoué et amené le dossier devant le tribunal le 26 mai. A l'audience, les six associations avaient demandé en référé (procédure en urgence) qu'une expertise soit ordonnée afin de dissiper "l'épais mystère", selon elles, qui entoure la modération des contenus haineux sur Twitter et d'engager, par la suite, des poursuites contre le réseau social.
Dans sa décision mardi, le tribunal a écarté l'expertise mais ordonné à Twitter international la communication de "tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en oeuvre" pour "lutter contre la diffusion des infractions d'apologie de crimes contre l'humanité, d'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe".
La société devra aussi, ajoute le tribunal, détailler "le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française", "le nombre de signalements", "les critères et le nombre des retraits subséquents" ainsi que "le nombre d'informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet". Ces communications portent sur la période allant de l'assignation en justice, le 18 mai 2020, à la date de la décision mardi. Le réseau social, qui a la possibilité de faire appel, a dit à l'AFP étudier cette décision.
"Chaos numérique"
"Twitter s'est pleinement engagé tout au long de la procédure et a travaillé de concert avec les associations pour tenter de trouver un accord, notamment dans le cadre de la médiation", a assuré un porte-parole à l'AFP. "Notre priorité absolue est d'assurer la sécurité des personnes utilisant notre plateforme", a-t-il ajouté, en précisant que l'entreprise s'était engagée "à construire un internet plus sûr, à lutter contre la haine en ligne et à améliorer la sérénité de la conversation publique".
Les associations appuyaient leur demande sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de 2004, qui impose aux plateformes de "concourir à la lutte" contre la haine en ligne et notamment de "rendre publics les moyens qu'elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites". "On se réjouit que Twitter soit enfin condamné à rendre des comptes, c'est un grand pas vers la fin de l'impunité et la fin du chaos numérique", a salué Ilana Soskin, avocate de l'association J'accuse.
"Il était temps que la justice mette un pied dans la porte", s'est félicité l'avocat de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et de SOS Homophobie, Stéphane Lilti. "C'est la première fois que la justice sanctionne cette obligation de coopération des plateformes qui doivent concourir à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et l'homophobie", a-t-il déclaré.
Alain Jakubowicz, président d'honneur de la Licra, a estimé que cette action des associations faisait "vraiment avancer, bouger les lignes" et que la justice avait levé "l'obstruction totale" de Twitter. A l'audience, l'avocat de Twitter avait contesté la validité des données avancées par les associations et dénoncé une "ingérence dans la gestion d'une entreprise" allant contre la "liberté d'entreprendre".
Dans son ordonnance, le tribunal estime qu'il "est versé aux débats des éléments de preuve établissant la réalité de nombreux messages racistes, homophobes et antisémites échangés sur le réseau d'informations Twitter avec des demandes de retrait non satisfaites promptement".
Les associations avaient produit plusieurs constats d'huissiers datant de 2020 et 2021. Dans le plus récent, du 20 au 23 mai, "seuls 28 des 70 tweets haineux notifiés ont été retirés par Twitter au bout de quarante-huit heures", avaient-elles relevé.
Rédaction avec AFP
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