Allemagne
Tessa Ganserer se bat pour son nom et la communauté transgenre
Il y a trois ans, l'écologiste Tessa Ganserer est devenue la première députée régionale transgenre d'Allemagne. Aujourd'hui, elle vise le Bundestag, mais son passé revient la hanter sous la forme de son ancien prénom masculin, imprimé sur un bulletin de vote.
E-llico.com / Actus
Tessa Ganserer se bat pour son nom et la communauté transgenre
Allemagne
Mis en ligne le 06/09/2021
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"Deadname" (nom mort, en anglais), c'est ainsi que les personnes transgenres qualifient leur prénom d'avant leur transition, dont l'emploi est jugé offensant. Or ce nom renié figure sur le bulletin de vote de la candidate bavaroise de Nuremberg pour les élections générales du 26 septembre, où elle a de bonnes chances d'entrer au Bundestag. Tessa est aussi imprimé, mais à la suite de l'ancien. Et entre parenthèses.
"C'est humiliant, cela me blesse car j'ai abandonné ce nom masculin, qui est tout simplement faux", déclare cette femme élégante de 44 ans, à la voix posée et aux longs cheveux blonds lors d'un entretien avec l'AFP à Berlin.
Depuis son coming out en 2019, l'ingénieure spécialisée dans la sylviculture vit en tant que femme. Tous, y compris ses très conservateurs collègues du parlement de Munich, s'adressent à elle au féminin. Si son prénom masculin refait surface, c'est parce qu'elle n'a pas formellement modifié son identité administrative par protestation contre la complexité des démarches. La procédure est longue -elle peut durer plusieurs années-, coûteuse, -jusqu'à 2.000 euros-, et tout simplement "contraire à la dignité humaine", énumère-t-elle.
"Questions très intimes"
"Je devrais déposer une demande auprès d'un tribunal, subir deux expertises psychiatriques, seulement pour qu'un juge décide si je suis acceptée par l'Etat en tant que la femme que je suis déjà publiquement depuis 3 ans", résume-t-elle, pointant l'incongruité de la situation. "Les expertises psychiatriques portent sur des questions en partie très intimes, sur la première expérience sexuelle, sur la nature des fantasmes sexuels, sur le style de sous-vêtements portés", s'insurge-t-elle.
Cette procédure est imposée par une loi qui date des années 80. Au fil des années, la Cour suprême allemande a déclaré plusieurs de ses dispositions inconstitutionnelles. Dans leur dernier verdict en 2011, les juges de Karlsruhe ont aboli l'obligation de subir une opération pour obtenir un changement d'état civil complet et encouragé l'exécutif à réformer enfin la loi.
D'autres pays européens ont déjà simplifié la leur. En Suisse, en Espagne ou au Danemark, il suffit de demander sa nouvelle pièce d'identité avec les modifications souhaitées. En Allemagne, des réformes du même type proposées par les Verts et les libéraux ont été rejetées au printemps par les conservateurs d'Angela Merkel, en désaccord sur la forme du service de conseil et d'accompagnement aux personnes transgenres.
"Au bout de mes forces"
"Personnellement, j'ai eu énormément de mal à me résoudre à un coming out", raconte-t-elle, par peur des réactions des autres partis, de l'exposition au public de sa vie privée, des dénigrements sur les réseaux sociaux, qui ne manqueraient pas d'en découler. "Mais j'étais arrivée au bout de mes forces (...)", se souvient-elle. "Je voulais continuer à faire de la politique, mais je devais enfin être moi-même et vivre en tant que la femme que j'ai en fait toujours été".
Sa famille lui apporte un soutien précieux. Son épouse, avec qui elle a deux fils, vit toujours à ses côtés. Désormais, Tessa Ganserer s'est fixée comme objectif prioritaire l'abolition de la loi, mais plus globalement aussi la défense des droits de la communauté LGBT+, à savoir les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles. "Il y a encore trop de haine et de violence contre eux juste parce qu'ils sont comme ils sont", dit-elle.
Les délits -harcèlement verbaux ou agressions physiques- à leur endroit ont augmenté de 36% en 2020, selon le ministère de l'Intérieur. Elle-même est victime d'"insultes, de moqueries et même de menaces" essentiellement sur les réseaux sociaux, et porte régulièrement plainte. En revanche, elle dit "n'avoir jamais entendu le moindre vilain mot lors de ses échanges avec les gens" pendant sa campagne. Au Bundestag, elle compte faire progresser sa cause. Et émet l'espoir que le prochain gouvernement, dont pourraient faire partie les Verts, s'y attellera aussi.
Rédaction avec AFP
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