France
Un rapport dévoile l’ampleur du phénomène de la pédocriminalité dans l’Église
Il y aurait eu près de 3 000 pédocriminels dans l’Église depuis les années 1950, selon le rapport de Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase.
E-llico.com / Actus
Un rapport dévoile l’ampleur du phénomène de la pédocriminalité dans l’Église
France
Mis en ligne le 03/10/2021
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Les chiffres font froid dans le dos. Il y a eu "entre 2 900 et 3 200 pédocriminels ", hommes prêtres ou religieux au sein de l’Église catholique en France depuis 1950, a déclaré à l'AFP Jean-Marc Sauvé, le président de la Commission qui enquête sur la pédocriminalité dans l’Église.
"Il s’agit d’une estimation minimale", fondée sur le recensement et le dépouillement des archives (Église, justice, police judiciaire et presse) et sur les témoignages reçus par cette instance, a-t-il ajouté. C’est un chiffre à rapporter à une population générale de 115 000 prêtres ou religieux au total sur cette période de 70 ans.
Après deux ans et demi de travaux, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) rend mardi les conclusions, dans un rapport qui, annexes comprises, montera finalement à « 2 500 pages », a-t-il précisé. Le rapport donnera un état des lieux quantitatif du phénomène, et notamment du nombre de victimes. Il comparera la prévalence des violences sexuelles dans l’Église à celle identifiée dans d’autres institutions (associations sportives, école…) et dans le cercle familial. La commission évaluera également les « mécanismes, notamment institutionnels et culturels », qui ont pu favoriser la pédocriminalité et listera 45 propositions.
Le rapport sera publiquement remis à la Conférence des évêques de France (CEF) et à la Conférence des religieuses et religieux des instituts et congrégations (Corref), qui l'avaient commandé. Cela se déroulera lors d'une conférence de presse à laquelle ont été invités des représentants d'associations de victimes. "Cela va être une déflagration", assure un membre de la Ciase, sous le couvert de l'anonymat. "Cela va faire l'effet d'une bombe", renchérit Olivier Savignac, du collectif Parler et Revivre. "Il ne va pas être complaisant", assure le sociologue Philippe Portier, autre membre de la Commission.
Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, le président de la CEF, a dit craindre que le rapport "ne rende des chiffres considérables, effrayants", lors d'une réunion avec des paroissiens de son diocèse. Sa publication "va être une épreuve de vérité et un moment rude et grave", peut-on aussi lire sur le message diffusé par l'épiscopat en direction des prêtres et des paroisses pour les messes du week-end. Un message qui appelle "à une attitude de vérité et de compassion".
Pour ses travaux, la Ciase a fait de la parole des victimes "la matrice de son travail", selon Jean-Marc Sauvé. D'abord avec un appel à témoignages ouvert dix-sept mois, qui a recueilli 6 500 appels ou contacts de victimes ou proches. Puis en procédant à 250 auditions longues ou entretiens de recherche. Elle a aussi approfondi ses recherches avec une plongée dans de nombreuses archives (Église, ministère de la Justice, de l'Intérieur, presse). Dans la majorité des cas, les faits sont aujourd'hui prescrits, les auteurs décédés, rendant un recours à la justice improbable. Les procédures canoniques (le droit de l'église), quand elles sont engagées, sont très longues et peu transparentes.
Quelles suites l'Église donnera-t-elle au rapport ? "J'attends que nous soyons confrontés à ce fardeau, aussi noir soit-il, afin que nous puissions ensuite prendre les mesures qui s'imposent", affirme Véronique Margron, présidente de la Corref. L'épiscopat a pris les devants en promettant non pas des réparations mais un dispositif de "contributions" financières, versées aux victimes à partir de 2022, qui ne fait pas l'unanimité chez les victimes. Les premières réponses de la CEF et de la Corref sont attendues en novembre, date à laquelle les deux institutions se réuniront en assemblées plénières.
Le rapport sera examiné à la loupe à Rome, où la question a été évoquée par le pape François et une partie des évêques français en visite au Vatican en septembre. Sanction d'évêques ou de prélats, visite du Pape en Irlande, organisation d'un sommet inédit en 2019 sur "la protection des mineurs", modification du droit canon... : la lutte contre la pédocriminalité est un dossier également traité au Vatican. Créée à l'automne 2018, la Ciase est composée de 22 membres, bénévoles, aux compétences pluridisciplinaires (juridiques, médicales, psychologiques et psychiatriques, secteur social et éducatif, protection de l'enfance, histoire et sciences sociales, théologie...). Elle a été financée par l'épiscopat et les instituts et congrégations religieux à hauteur de 3 millions d'euros.
Rédaction avec AFP
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