Témoignage
Rémy, sur la bonne voie pour se sortir du fléau du sexe sous drogues
Il avait "sombré" avec la métaphédrone mais espace de plus en plus ses prises grâce au suivi médical: Rémy est "sur la bonne voie" pour se sortir du chemsex, consommation de drogues dans un but sexuel qui gangrène la population gay.
E-llico.com / Actus
Rémy, sur la bonne voie pour se sortir du fléau du sexe sous drogues
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Mis en ligne le 24/02/2022
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"Le jour où ça touchera les hétéros, les pouvoirs publics en parleront un peu plus". Même si le parallèle avec le sida est "grossier", ce Parisien, qui préfère taire son nom, âgé de 40 ans et avec une bonne situation professionnelle le reprend à son compte pour "tirer la sonnette d'alarme" face à la diffusion d'un "fléau" qui "touche tous les milieux sociaux". "Ils sont très nombreux en train de chuter", estime ce sportif invétéré dont certains amis "ont perdu leur boulot, leur appartement, sont devenus paranoïaques, font des séjours à l'hôpital mais ne s'en sortent pas", énumère-t-il à l'AFP.
Un de ceux-là "ne se sort pas de sa dépression, ne travaille plus depuis trois ans et ne va bientôt plus pouvoir payer son appart", illustre ce cadre qui estime aussi qu'il y a "beaucoup de morts" liés à ce phénomène. Mais la corrélation est souvent difficile à établir: dans deux cas de connaissances, "on ne sait pas si c'était un suicide ou overdose".
"Semaines entières" sans travailler
A partir de 2018, Rémy a lui connu la fatigue, les descentes et les pensées noires, synonymes de "semaines entières" sans pouvoir travailler. "Parler à qui que ce soit, c'était me demander la lune; descendre à la boulangerie, c'était l'horreur", se souvient celui qui, alors abonné au télétravail, n'a pas été repéré par sa hiérarchie. C'est que sa consommation de drogues, qui a débuté de manière festive à la fin des années 2000 à Montpellier, s'est accélérée à Paris avec la multiplication des orgies de fin de semaine.
La diffusion de la métaphédrone, plus connue sous le surnom de 3MMC, associée à la prep, traitement préventif contre le VIH qui a "libéré (s)a sexualité", a été une "bascule" et a entraîné sa "chute", estime-il. "C'est une drogue que je ne savais pas gérer", raconte l'homme originaire d'Occitanie qui se souvient avoir un vendredi soir commencé par "un ou deux verres qui m'ont désinhibé", et a fini par rentrer chez lui le dimanche après-midi.
En France ou à l'étranger, en week-end ou pendant les vacances, et même pendant ses déplacements professionnels, c'est la même mécanique, favorisée par les applications de rencontre qui permettent de passer en quelques minutes à l'action. "Si t'es homo et un peu mignon, c'est la facilité, tu as juste à choisir".
Le déclic
Début 2020, au premier confinement, alors que de nombreux homosexuels entrent dans ce cercle vicieux pour "occuper leur temps car tout était fermé", Rémy a un "électrochoc" après "trois partouzes lors des trois premiers week-ends". "Un ami m'a dit: 'tu propages le Covid contre lequel des soignants luttent, alors que les gens sont censés être confinés'. J'ai décidé de me faire soigner." Une semaine sans écran à l'hôpital Marmottan, centre spécialisé dans les addictions, lui permet de se "reprendre en main avant de crever la gueule ouverte".
La stratégie définie avec le psychothérapeute n'est pas d'arrêter brutalement mais de diminuer de manière "très progressive" les sessions et les doses. Reste le plus dur, résister aux tentations omniprésentes à Paris. Rémy n'a pas désinstallé Grindr, la plus connue des applications de rencontre, mais évite parfois les soirées, ou reste au soda et rentre à minuit. "Le problème, c'est mon contexte à Paris qui ne relève que du milieu gay", réalise-t-il en se fixant l'objectif d'être "raisonnable", c'est-à-dire moins sortir, réduire les orgies et "finir à 6H00 max".
Paradoxalement, sa sexualité est plus régulière car il s'est remis aux rencontres - sans drogues - en début de semaine, que les descentes rendaient auparavant impossibles. Rémy a réglé certains problèmes personnels avec sa famille, travaille désormais dans un bureau et n'a pas pris de drogue depuis le Nouvel an, même s'il ne garantit pas de "tenir 2022 sans en prendre souvent". "Je me sens mieux dans ma vie, j'avance sur la bonne voie", résume-t-il.
Rédaction avec AFP
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