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Deux policiers membres d'un groupe Facebook homophobe jugés en avril à Paris

Un brigadier et un gardien de la paix seront jugés le 20 avril à Paris en correctionnelle, soupçonnés d'avoir publié des messages racistes et homophobes dans un groupe Facebook appelé "TN Rabiot Police officiel", suscitant en 2020 une réprobation générale.

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Mis en ligne le 27/02/2022

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L'affaire avait éclaté en pleine vague d'indignation liée à la mort de George Floyd aux Etats-Unis et de mobilisation en France contre les violences policières. Le 4 juin 2020, le journal en ligne Streetpress indiquait que figuraient sur un groupe Facebook de 7.500 membres destiné aux forces de l'ordre des "centaines" de messages racistes, sexistes et homophobes, ainsi que des appels au meurtre.

Sur "TN Rabiot Police officiel", soit "canal de discussion additionnel" en langage policier, certains fonctionnaires tournaient en dérision la mort de jeunes hommes au volant de leur moto-cross, qualifiaient de "sale pute" la chanteuse Camélia Jordana, qui avait dénoncé les violences policières...

Ecrits "sous la colère" 

Le ministre de l'Intérieur de l'époque Christophe Castaner avait saisi le parquet de Paris, qui confia à la BRDP les investigations, dont l'AFP a pu obtenir des éléments. Après une première analyse infructueuse d'un enquêteur, le parquet isole six comptes suspectés de messages de haine. A l'aide de réquisitions à Facebook, quatre policiers finissent par être identifiés puis interrogés.

Fabrice D-P., 50 ans, gardien de la paix en disponibilité, a réagi ainsi à une manifestation interdite en faveur des sans-papiers : "Toujours la même merde qui brave tous les interdits dans ce pays. Les 'gauchiasses' puants et les immigrés qui ne fer(ont) même pas 1/10e du quart de ça chez eux."

Celui dont l'un des comptes Facebook a été suspendu pour, selon lui, de "l'humour sur les vaccins", concède en juin avoir écrit "sous la colère". Il compare la France à la Thaïlande dont il rentre: "Là-bas, la répression est immédiate". Puis conteste tout caractère raciste ou discriminatoire.

Patrick C., brigadier de 44 ans dans le Sud-Ouest, entendu quelques jours plus tard, se voit lui reprocher une réaction, sous le pseudonyme "Pat Apon", au placement en garde à vue de trois Soudanais après l'attaque au couteau de Romans-sur-Isère, qui avait fait deux morts en mars 2020 : "Ce pays est vraiment devenu la poubelle du monde... Plein le cul vraiment, et on se demande pourquoi les Français ne supportent plus l'immigration". Il reconnaît des propos qui "volent pas haut", "excessifs" voire "injurieux", mais non délictueux.

Fin décembre, le parquet de Paris a cité à comparaître les deux pour "injure publique à caractère racial" et le second également pour "provocation publique à la discrimination", a appris l'AFP samedi de source proche du dossier. Une première audience s'est tenue mi-février mais a été renvoyée au 20 avril pour des raisons procédurales.

Injures "privées" ou "publiques" 

Au-delà du caractère délictuel des propos, l'un des enjeux du procès pourrait être de savoir s'ils étaient tenus de manière "privée" ou "publique", ce qui ferait encourir aux policiers une peine plus grave. En juillet, l'IGPN a dit pencher pour la première option dans un rapport, vu les paramètres de "TN Rabiot" sur Facebook et l'existence d'un filtre pour y accéder. Mais le parquet a choisi de poursuivre Fabrice D-P. et Patrick C. pour des phrases considérées comme "publiques" au vu du "nombre important de membres" et du fait "que certains ne sont pas des policiers".

D'autres fonctionnaires entendus pendant l'enquête ne sont eux pas cités à comparaître en avril. Ali A. a écrit en avril 2020 sous le pseudonyme de "Ben Randall" : "S'il fallait mettre dans un bateau direction Méditerranée tous les nuisibles et les clandestins de ce pays, mais je crois qu'il faudrait une centaine de paquebots". Devant les enquêteurs en septembre, ce fonctionnaire de police dans un département d'Outre mer concède un "trait d'humour", "peut-être un peu excessif mais pas discriminatoire". "Au vu de mes origines (étrangères), difficile d'être raciste", tente-t-il.

David P. est lui interrogé en juin sur son commentaire sous une photo d'une manifestation de soutien à la famille d'Adama Traoré, jeune homme noir mort mi-2016 dans une intervention de gendarmes : "C'est noir de monde", accompagné d'un smiley rieur. Ce message du gardien de la paix de 45 ans suit d'autres commentaires "équivoques" , selon l'enquêteur, venant d'autres membres du groupe : "C'est noir de merde", "une sombre histoire", "le naufrage d'un pétrolier". Une expression "très malheureuse", concède David P., mais pas de lien avec la "couleur de peau".

"2%" de propos problématiques 

Les enquêteurs ont par ailleurs entendu quatre administrateurs du groupe, dont deux sous le statut de mis en cause. Sa principale responsable, Isabelle B-P., notamment interrogée sur sa modération des écrits, a réfuté toute ligne éditoriale raciste, tout en concédant qu'elle avait déjà dû retirer certains propos. Un autre administrateur a déclaré avoir reçu "tous les jours des messages privés de collègues qui (lui) indiquaient des propos qui les avaient choqués" sur le groupe. Mais c'était "2% maximum" du volume des publications selon lui.

Aucun des quatre ne comparaîtra en avril. Sollicité par l'AFP, le parquet de Paris n'a pas commenté ces informations. Me Yaël Scemama, qui défend la Licra dans ce dossier avec Me Edouard Cahn, a salué le signalement du ministère de l'Intérieur et le procès ordonné par le parquet de Paris, qui "démontrent une volonté de ne pas laisser impunis ces propos intolérables (...) et de voir cette affaire aller jusqu'au bout."

Rédaction avec AFP


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