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Dans l'armée vénézuélienne, plus grave d'être gay que corrompu

Le capitaine José a fini par déserter, abdiquant après des années de pression. Le lieutenant Rafael a été poursuivi et expulsé. Tous deux avaient un dossier impeccable dans l'armée vénézuélienne, mais le fait d'être homosexuels leur a valu persécutions, discriminations et humiliations.

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Dans l'armée vénézuélienne, plus grave d'être gay que corrompu
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Mis en ligne le 20/04/2022

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Les forces armées restent un bastion traditionaliste et les "actes contre nature" sont théoriquement passibles de trois ans de prison et d'une radiation, selon le code organique de justice militaire. Les soldats homosexuels sont donc obligés de cacher leur orientation sexuelle sous peine d'entrer dans une spirale de problèmes et de harcèlement.

Malgré plusieurs réformes, dont la dernière en septembre 2021, le code reste inchangé. Le Parlement n'a pas entendu les appels à son abrogation lancés par les défenseurs des droits LGBT.

"Il est plus grave d'être gay que d'être corrompu", regrette José (nom d'emprunt), 36 ans, ancien capitaine de la Garde nationale. "Il y a des soldats corrompus, des voleurs, des trafiquants de drogue... Il y des procédures, ils sont punis mais continuent ensuite à travailler comme si de rien n'était", raconte José, qui assure que "la pression était si forte que (ses) cheveux sont tombés". La "première question qu'on vous pose lors de l'entretien d'engagement c'est celle de votre inclination sexuelle (...) Si tu ne réponds pas que tu es hétérosexuel, tu es éliminé, c'est le premier filtre", assure de son côté Rafael, 37 ans, un ex-lieutenant expulsé de l'armée.

Détecteur de mensonge

Le cauchemar de José commence en 2017, quand l'armée décide d'enquêter sur des militaires pour déterminer qui est gay. José n'était pas marié et n'avait pas d'enfants, conditions obligatoires pour être promu à un grade supérieur. Alors que beaucoup se marient pour sauver leur carrière, José, qui entretient une relation secrète avec un homme, s'y est toujours refusé. On le soupçonne et il est détenu pendant quatre jours. "Les quatre pires jours de ma vie", dit-il, les larmes aux yeux. On lui demande inlassablement: "As-tu une petite amie?", se rappelle-t-il.

"Le dernier jour de l'enquête, on m'a fait passer au détecteur de mensonges, on m'a enfermé dans une pièce, on m'a branché à des machines, pratiquement sans vêtements et on m'a posé les questions les plus intimes". "'Comment va-t-on garder un pédé ici?", lui lance un des enquêteurs" qui le forcent à signer une reconnaissance de son homosexualité. "Comme ils n'avaient aucune preuve solide (...) ils m'ont humilié", se souvient-il, soulignant ne plus jamais avoir commandé de troupes par la suite.

Au lieu de cela, il est affecté dans un hangar où il ne travaille que quelques heures par jour, puis chargé de gérer le compte Twitter d'un commando. "J'étais tellement déçu que j'ai décidé de partir", raconte José, qui vit désormais en exil en Espagne. 

Chantage 

Pour Rafael, c'est une rencontre occasionnelle dans son appartement qui va lui coûter sa carrière. L'homme rencontré a essayé de le tuer après des rapports intimes et une nuit de beuverie. L'affaire s'étant ébruitée, on lui conseille de démissionner pour éviter "l'humiliation". "'Une enquête est en cours sur le fait que vous êtes homosexuel. Il ne peut y avoir d'homosexuels dans l'armée'", lui dit-on. "'Tu verras si tu pars de toi-même ou si on utilise la manière forte'", le menace-t-on. Les humiliations s'enchaînent. Parmi elles, un test 'médico-légal' anorectal sans son consentement. On lui fait une sorte de chantage: ou il quitte l'armée ou on l'inculpe et il sera "emprisonné pour deux ou trois ans".

Rafael ne s'en laisse pas conter et dit vouloir aller jusqu'au procès. Celui-ci n'aura jamais lieu, Rafael est exclu de l'armée pour des motifs disciplinaires.

L'expulsion administrative est une tactique courante pour éviter un procès, explique sous anonymat un ex-fonctionnaire de la justice militaire, "pour ne pas dire que (les soldats) ont été renvoyés parce qu'ils étaient homosexuels". L'affaire a dévasté Rafael qui a envisagé le suicide. Il espère porter l'affaire devant la Cour suprême et obtenir une improbable réintégration. La voie à suivre est de "déclarer cet article (du code) inconstitutionnel (...) comme cela s'est produit en Colombie et au Pérou", déclare l'avocat Kelvi Zambrano de l'ONG Coalition pour les droits humains et la démocratie.

Cependant, comme souvent en Amérique latine, s'il n'est pas illégal d'être un militaire gay, cela n'est guère toléré. Au Venezuela, la discrimination transcende les casernes. "Ma mère fait partie de ces gens qui disent: 'Je préfère avoir un fils 'malandro' (délinquant) qu'un fils pédé'", regrette Rafael.

Rédaction avec AFP


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