210 DÉPORTÉS HOMOS FRANÇAIS -

210 DÉPORTÉS HOMOS FRANÇAIS

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210 DÉPORTÉS HOMOS FRANÇAIS

Mis en ligne le 30/11/1999

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210 homosexuels ont été déportés à partir de la France : c’est ce qu’affirme une commission historique. Ce document, qu’"Illico" présente en exclusivité, est une révolution car, jusqu’ici, on ne connaissait que le seul cas de Pierre Seel. Ce travail secoue les anciens déportés et débouche sur la reconnaissance officielle de cette déportation. C’est le sens de l’interview que nous a accordé Jacques Floch’, le secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants.

Par Jean-François Laforgerie


Quatre années durant, la Fondation pour la mémoire de la déportation a fouillé les archives et rassemblé les documents. Un travail de fourmi qui aboutit à un résultat auquel on avait fini par ne plus croire : une liste de 210 noms de Français, déportés par les nazis en raison de leur homosexualité.

Ce document marque un tournant dans l’histoire de l’homosexualité en France puisque, jusqu’à présent, cette déportation n’était pas reconnue, ni par les pouvoirs publics ni par les associations d’anciens déportés. Une négation due notamment au fait qu’un seul Français, Pierre Seel, s’était fait connaître.

Désormais, il ne sera plus possible de refuser aux homosexuels de participer aux cérémonies commémoratives comme ce fut si souvent le cas… Une page est, enfin, tournée.

Comment la déportation homosexuelle est-elle devenue une revendication politique ?
La réponse est simple : par la volonté de quelques homos. Dès les années 60, la revue "Arcadie" publie un premier témoignage anonyme. Peu d’échos.
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Il faut attendre la reprise de ce témoignage dans le numéro 12 de "Tout" (journal fondateur du mouvement homo en France), au début des années 70, pour que cette "information" intéresse des homos, au premier rang desquels Jean Le Bitoux, co-fondateur de "Gai Pied". C’est lui qui, à partir de sources étrangères, réalise les premiers articles qui vont tenter de mobiliser les gays.

Le choc vient de la publication, en 1979, du témoignage de Heinz Heger, déporté homosexuel allemand, puis, en 1982, du "coming out" de Pierre Seel, seul témoin français vivant connu de la déportation homosexuelle à partir de la France, en réaction aux propos homophobes de Monseigneur Elchinger, évêque de Strasbourg.

Parallèlement, ce sujet qui mobilise mal l’opinion gay trouve néanmoins sa traduction dans des "cérémonies pour se souvenir" dès 1976. Cette année-là, la gerbe homo est piétinée par d’anciens déportés. Cris, bousculades, échauffourées marquent les cérémonies jusqu’en 1996.

Durant cette période, ce sont les homos les plus politisés qui se saisissent du sujet. Il s’agit d’avancer prudemment, à l’instar de ce qui se passe à l’étranger, en Allemagne comme aux Pays-Bas où la reconnaissance officielle se fera pourtant plus vite. La revendication n’est jamais liée à la Gay Pride mais présente dans toutes les plateformes revendicatives des gays.

La raison ? Il s’agit de la page la plus noire et la plus récente de la persécution des homos en France. Elle s’est nourrie d’une homophobie antérieure et trouve un prolongement aussi douloureux que cynique dans l’oubli qui marque la fin de la guerre et les années qui suivent.
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"Je suis autant effrayé par la déportation, les crimes que par leur oubli. Ce n’est plus un crime impuni, c’est un crime oublié" explique ainsi Jean Le Bitoux qui crée en 1989 le Mémorial de la Déportation Homosexuelle.

Aujourd’hui, les chiffres indiquent un tournant net et irréversible. Cette reconnaissance tant attendue n’est pourtant pas une fin en soi.

"Notre objectif serait qu’il n’y ait plus qu’une seule cérémonie officielle le jour du souvenir, que le Triangle rose soit gravé sur les monuments et présent sur les bannières officielles comme le préconise la Fondation, explique Jean Le Bitoux.

"Nous souhaitons aussi la création d’un monument à Strasbourg. Par exemple, une plaque de marbre rose sur l’ancien siège de la Gestapo de la ville où sont passées certaines des victimes. Mais quel symbole de faire de la capitale de l’Europe, la capitale de la mémoire européenne !

"Ce sera sans doute long, je n’oublie pas que l’association homo, HOSI, de Vienne a mis plus de vingt ans à faire apposer une plaque commémorant la déportation homosexuelle dans le camp de Dachau".

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