AgendaQ fête ses 15 ans  - Presse gay

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AgendaQ fête ses 15 ans

Le magazine AgendaQ fête ses 15 ans. L'occasion de revenir avec son éditeur, Franck Desbordes, sur un parcours et une diversification originale et unique au sein de la presse gay. 

E-llico.com / Agendas

AgendaQ fête ses 15 ans
Presse gay

Mis en ligne le 31/10/2019

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AgendaQ

AgendaQ fête ses quinze années d'existence. Un beau parcours pour une publication centrée largement sur la sexualité, ce qui n'allait pas de soi et constituait même un pari pour un magazine diffusé très largement dans la communauté gay, non ? 

Oui c’est sûr, le lancement de ce petit agenda en format pocket n’a pas été évident en 2004. Sans être totalement le fruit du hasard, AgendaQ est en réalité né grâce à la succession d’événements plus ou moins inattendus qui ont permis sa création. 
Mais parmi les obstacles, je me souviens, quelques semaines avant le lancement d’AgendaQ, de l’accueil mitigé reçu de la part certains patrons, ce qui nous avait refroidi au point que nous avions failli renoncer. 
Et puis, il faut re-contextualiser les choses : le web venait d’arriver timidement dans nos vies 3 à 4 ans plus tôt, il était alors en plein essor en 2004 et l’on nous promettait la fin de tous les médias imprimés à moyenne échéance. Beaucoup nous disaient que lancer un média imprimé était pure folie…
Enfin, les contenus dans AgendaQ pouvaient (et peuvent encore) choquer, la communauté Hard-BDSM-Trash-Fetish (avec tous ceux qui ont une sexualité soft mais régulière voire généreuse) était composée comme aujourd’hui d’ensembles et de sous-groupes, dont les sexualités sont parfois très différentes, d’où certaines incompréhensions ou regards stigmatisants sur telle ou telle image, à l’endroit de telle ou telle pratique. Et évidemment au-delà de notre communauté chez les garçons plus « softs ». Mais je tenais absolument à ce qu’AgendaQ s’adresse à tout le monde, du garçon le plus soft au plus hard. Parce que j’ai créé AgendaQ en partant du constat qu’aucun média ne parlait à la communauté de ceux qui aimait le Q et qui en était fiers. Il m’était cher de proposer un média dans lequel chacun puisse se retrouver, en écartant les préjugés et ceux qui les profèrent. 
Mais je peux maintenant l’avouer : quand nous avons lancé AgendaQ, je pensais que ce média aurait une vie de 3 à 5 ans maximum.
 
- La presse gay a vu éclore de nombreuses publications gratuites depuis plusieurs décennies, en quoi AgendaQ a-t-il une place à part ?

AgendaQ parle de toutes les sexualités, de sexe, donc de l’intime. L’adhésion du public a été immédiate, surtout avec notre principe de couvertures avec des garçons de dos : des mecs cuir, latex, skins, des sneakers, et des garçons lambdas… mais aussi des grands, des petits, des garçons avec un peu d’embonpoint, des jeunes et des hommes plus âgés, … chacun devait pouvoir se retrouver ou retrouver une composante de sa « famille ». Je pense que la différence avec les autres supports réside dans le fait que nous parlons à la fois à la communauté , mais surtout, à l’individu dans ce qu’il a de plus cher et de plus intime : sa sexualité, ses fantasmes, la curiosité, et l’envie plus ou moins consciente qu’il peut avoir de s’affranchir de la norme.
En fait, certains lecteurs, dès les premiers numéros, m’ont dit que quand il ouvraient l’AgendaQ chez eux, ils se sentaient comme reconnus dans leurs pratiques, comme dans une bulle donc avec un sentiment de « protection » et de bien-être. Il faut dire qu’en 2004, plus personne ne parlait à notre communauté, ou très mal, et les médias nationaux comme l’était le Têtu de l’époque, étaient arrogants et méprisants à notre égard et à notre culture. Ou plus exactement, c’est comme cela que nous le ressentions, ce qui avait créé un sentiment d’isolement. AgendaQ a tout de suite été un ciment pour une communauté complètement oubliée et en demande.
Et puis, j’ai toujours trouvé cela un peu exagéré mais il est aujourd’hui cohérent de considérer AgendaQ comme un outil politique (à son échelle bien sûr). En 15 ans, combien d’exemplaires se sont retrouvés sur les tables de discussion dans certains ministères, à commencer par le ministère de la santé ? Ou dans les couloirs de certaines mairies ou ailleurs ? On m’a même raconté que dans certaines institutions un peu « vieillottes et rigides », l’AgendaQ s’échangeait sous le manteau des plus coincés par leur environnement. Je ne sais pas si c’est vrai ou pas, mais je prends un peu de plaisir à l’imaginer. Je qualifie AgendaQ d’ « outil politique » parce qu’Inévitablement, quand il y a un média communautaire, les regards changent progressivement sur ladite communauté … Et le climat s’améliore.
Sur l’aspect « politique » toujours, je me souviens aussi , en juin 2017 au Congrès National de Aides à Nantes, avoir vu un homme publique d’importance : le Directeur Général de Santé publique France monter sur le podium pour donner à l’assemblée les bons résultats d’une campagne de prévention réalisée sur plusieurs supports dont AgendaQ, et dont le site web agendaq.fr avait fourni de belles performances, sans aucune gêne en citant le média à plusieurs reprises. C’est là que je me suis réellement rendu compte du chemin parcouru, et de notre capacité à faire bouger les lignes, notamment en matière de lutte contre la stigmatisation des publics ayant des pratiques hard, extrêmes, voire à risques. J’étais en pleine démonstration de comment faire tomber les tabous, et j’en étais l’un des artisans (je n’oublie pas tous ceux qui y ont participé et participent encore). Elle est là, la vraie réussite d’AgendaQ.
Pour revenir à ta question : c’est évidemment aussi l’angle communautaire qui d’emblée a permis le développement de l’AgendaQ : nous sommes évidemment et prioritairement au service des lecteurs, mais aussi au service des commerçants, patrons de bars, backroom, saunas, fetish-stores, et associations. Quand nous traitons les sujets, nous essayons toujours de faire en sorte que cette posture soit respectée. Là où d’autres cherchent à diviser pour exister et faire du fric, notre philosophie est beaucoup plus altruiste et militante. Ce qui nous oblige en contrepartie à beaucoup de rigueur budgétaire.
Enfin, ce qui a fait le succès d’AgendaQ à l’époque, c’est son format pocket : un format que personne n’utilisait à l’époque. On pouvait glisser discrètement l’AgendaQ dans sa poche… aujourd’hui notre format a été copié mille fois.
 
- AgendaQ ce n'est pas seulement une publication imprimée, c'est aussi depuis quelques temps un site internet très riche qui prolonge magazine papier. Comment les deux contenus se complètent-ils?

Oh c’est assez simple, on trouve sur le site tout ce qu’on ne peut pas mettre dans l’édition papier, soit par manque de place, soit parce que la loi nous demande d’être strict dans les éditions imprimées, soit parce qu’il s’agit de médias « dynamiques » comme les Gifs animés, les short-vidéosX,… Le manque de place se ressent fortement dans les chroniques de sites web, blogs, Tumblr et Bdsmlr, et plus récemment de comptes Twitter : là où l’on imprime chaque mois une quarantaine de photos qui illustrent cette sélection de médias dans notre édition imprimée, nous mettons en ligne entre 400 et 800 photos par mois, c’est un moyen plus précis de se faire une idée sur ce que l’on va trouver sur les blogs chroniqués. 
S’il on reste sur la question de l’image, on doit préciser que nous n’avons pas le droit d’imprimer des visuels comprenant des érections, sauf à mettre des pastilles dessus, ce que nous faisons. Mais sur le web, concernant ces rubriques, l’enregistrement sur le site web est obligatoire donc chacun, en affirmant qu’il est majeur, peut avoir accès aux images non censurées, qu’il s’agisse d’images provenant du web ou de reportages photos réalisés par nos photographes.
Pour ce qui est des dossiers, il y a déjà en ligne quelques dossiers qui sont plus longs et plus illustrés que dans la version papier. C’est une voie dans laquelle nous nous engageons fortement : un contenu allégé sur le média papier, couteux, et un contenu plus dense sur le web, avec des coûts moins élevés. Notre succès d’audience sur le web nous permet maintenant de glisser progressivement sur ce modèle. Mais le magazine dans sa version imprimée a encore de grands et longs jours devant elle.
Le web, c’est aussi un média très dynamique qui permet de traiter des données avec beaucoup de réactivité, comme les agendas. Dans notre rubrique Agendas justement, on trouve les agendas de sorties Q évidemment, mais aussi les agendas de dépistages du VIH et des IST ou des réunions d’informations sur les nouveaux moyens de prévention diversifiée ou encore sur les questions liées au chemsex.
Et puis, la rubrique qui a beaucoup de succès depuis deux ans, c’est notre sélection de rendez-vous et meetings fetish européens : le plus complet que l’on puisse trouver sur le web !
Mais le site web actuel a aussi le défaut d’avoir 4 ans, et sur le web, avec les technologies qui évoluent sans cesse en même temps que les comportements des internautes, 4 ans c est beaucoup et l’on peut dire qu’il est déjà vieux. Donc nous sommes déjà en train de développer l’architecture de notre prochain site, avec en plus d’un site complètement neuf, la possibilité pour chacun de créer son propre univers : je ne parle pas seulement de l’affichage graphique mais aussi des contenus, nous souhaitons maintenant que les contenus soient triés en fonction des choix de nos visiteurs selon leurs sexualité (soft, sauna, hard, trash, …) voire de préférences plus fines (fist, uro, fessée, lycra, cuir,…) Après 15 ans d’AgendaQ, nous disposons maintenant du volume d’informations et de médias nécessaires pour proposer cette option. C’est un chantier qui aboutira d’ici une bonne année je pense, fin 2020.

- Qui dit sexualité dit prévention, une dimension essentielle et incontournable quand on s'adresse au public gay au sein duquel les IST et le VIH continuent à avoir une forte prévalence. Peux-tu nous présenter la politique d'AgendaQ dans ce domaine? 

La prévention est dans l’ADN de notre sarl de presse Blue Savanah ( qui édite AgendaQ ) depuis sa création, et bien avant en ce qui concerne les associés qui ont tous été confrontés directement à la perte d’amis dans les années 90-2000. Il m’est personnellement impensable de proposer un média à destination festive sans glisser des informations relatives à la prévention, quelle que soit la façon de faire la fête : Q ou pas Q. 
En ce qui concerne AgendaQ, la Sante sexuelle fait partie de nos sexualités, et tôt ou tard, elle se rappelle à nous, alors mieux vaut prévenir et informer. Dès les premiers numéros d’AgendaQ, nous avons intégré les premiers messages de prévention. Sur le web comme je le disais plus haut, nous avons intégré les agendas de dépistages VIH-IST et des réunions d’informations. Nous n’imaginions pas quand nous avions eu ce projet que les garçons cliqueraient autant sur ces agendas de santé sexuelle, c’est une franc succès ! Et pour moi qui suis un peu investi dans le champs associatif, je ne peux pas le cacher, une très grande satisfaction. 
La prévention a énormément changé ces dernières années. Avec AgendaQ, on a essayé d’en accompagner le mouvement. Du seul préservatif on est passé à la prévention diversifiée, parfois sans préservatif. Nous avons remis en œuvre notre logiciel de 2004, mais cette fois-ci, au lieu de lutter contre les stigmatisations sur les sexualités, nous agissons chaque mois contre les stigmatisations sur les différents comportements en matière de prévention. Nous parlons y compris à ceux qui ne se protègent pas, plus, ou pas souvent (ce qui fait enrager régulièrement quelques hystériques-intégristes, grand bien leur fasse). Le rejet n’a jamais produit d’effets positifs sur les groupes populationnels. AgendaQ continuera donc à investir et s’invertir pleinement dans les sujets relatifs à la prévention, sans tabous et sans préjugés.

- Enfin, AgendaQ a un petit frère depuis le printemps dernier avec Stobo et devrait accueillir un nouveau venu avec Dirty minds dans quelques semaines ; peux-tu nous présenter ces deux autres productions maison ? 

En réalité, nous avions 3 médias l’année dernière : AgendaQ, agendaq.fr et le plan de Paris version fetish : Fetish Map Paris. L’année prochaine, nous disposerons de plus de 10 médias, certains sont LGBT au sens large (et même un peu hétéro-friendly), d’autres sont et seront strictement gays (comme AgendaQ), et d’autres enfin réellement Hard-BDSM-Trash et honnêtement Fetish (dans le vrai sens du terme !)
Cette année, nous avons déjà créé le site presse-gay.fr et l’agenda pas Q : Strobo mag. C’est un média vraiment LGBT avec un Vrai agenda LGBT. L’idée ne date pas d’hier, elle est dans nos cartons depuis plusieurs années, mais c’est en début d’année dernière, quand j’ai entendu pour le énième fois « il ne se passe plus rien à Paris » que je me suis dis que le public LGBT était vraiment très mal informé de la richesse de l’offre qui lui est faite : surtout dans la sphère clubbing, spectacles, drags, queer, et dans les bars qui sont pour certains très dynamiques et créatifs dans ce qu’ils proposent… Et je suis encore une fois parti du constat que personne ne proposait un agenda complet, cette fois-ci sur sur l’effervescence de notre scène LGBTQI+. Alors nous avons lancé en juin dernier Strobo mag, qui a réellement failli s’appeler « l’Agenda pas Q » mais il nous fallait une marque qui soit facile à utiliser dans les autres pays, puisque Strobo mag entend proposer prochainement une application mobile en français et en anglais avec les agendas Paris-Régions-Europe. Mais surtout, Strobo mag se veut réellement inclusif de toutes les composantes de notre communauté : depuis notre troisième édition, nous intégrons un agenda pour les filles, un agenda pour les personnes transgenres, un agenda pour la scène drags, un agenda pour les cabarets,… Avec exactement le même process et la même recette qu’AgendaQ en 2004 ! Le succès est déjà au rendez-vous.
Dirty Minds sera quant à lui d’un tout autre genre : Il s’agira d’une revue très hard, réservée à un public très spécifique. Avec 2 à 4 numéros par an, en français et en anglais. La revue imprimée sera payante, on pourra la commander sur le web ou l’acheter dans certains lieux que nous voulons rares : à Paris par exemple il n’y aura que 3 à 4 lieux maximum. Les lecteurs pourront avoir un aperçu avec quelques pages disponible sur le web. Nous venons d’arrêter le sommaire du premier numéro de Dirty Minds et les premières maquettes sont maintenant à l’étude. Je ne peux rien dévoiler pour l’instant mais je peux vous dire que l’on ne fera pas semblant de traiter les sujets, quels qu’ils soient et sans aucun tabou. En fait Dirty Minds, c’est tout ce que l’on s’est interdit de faire dans AgendaQ pendant 15 ans… Ça va être « du lourd ». Rendez-vous d’ici quelques semaines, le temps de terminer nos recherches iconographiques, et imprimer ce qui sera un document que je veux d’une grande qualité. 
Pour tout le reste, je te propose que l’on refasse un point l’année prochaine… 

 

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