L’égalité de droits et de traitement, c’est un respect élémentaire que nous devons aux gays   - Anne Hidalgo

Anne Hidalgo

L’égalité de droits et de traitement, c’est un respect élémentaire que nous devons aux gays

Adjointe de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo est aussi tête de liste socialiste à Paris pour les régionales. Elle répond aux questions d'E-llico et explique les projets de la liste conduite par Jean-Paul Huchon pour la communauté LGBT.

E-llico.com / Actus

L’égalité de droits et de traitement, c’est un respect élémentaire que nous devons aux gays
Anne Hidalgo

Mis en ligne le 22/03/2010

Tags

Sur le même sujet

 Mon engagement sur la liste d’Europe Ecologie est le prolongement naturel d’engagements que j’ai toujours eus
Caroline Mécary
Mon engagement sur la liste d’Europe Ecologie est le prolongement naturel d’engagements que j’ai toujours eus
 les propositions de Duflot, Huchon et Pécresse pour les LGBT
Régionales
les propositions de Duflot, Huchon et Pécresse pour les LGBT

E-llico : La majorité à laquelle vous appartenez dirige la région Ile-de-France depuis 12 ans. La politique régionale menée a l'égard de la communauté LGBT a permis le développement d'actions d'accueil, de visibilité, de lutte contre la discrimination ou contre le sida, mais la réalité évolue et l'on voit notamment une certaine forme d'homophobie redresser la tête avec des agressions plus violentes contre les homosexuels, la lesbophobie et plus nettement encore le développement d'une homophobie dans les cités et en banlieue. Quelles réponses concrètes la région peut-elle apporter à ces violences et à ces difficultés à vivre son orientation sexuelle ailleurs que dans le périmètre relativement privilégié de la capitale?

Anne Hidalgo : A mon grand regret, la capitale n'est en rien épargnée... Parfois avec des agressions très graves comme on a pu le déplorer en 2009 et même en 2010, y compris en plein centre de Paris et dans des quartiers réputés tranquilles comme le Marais.

Dans les quartiers plus difficiles, évidemment ce n'est pas simple, cela rejoint d'ailleurs les problèmes de machisme, de sexisme, de racisme "ordinaire". En somme la peur de l’autre.

Le phénomène, encore peu étudié et mal mesuré, n'est pas totalement nouveau, mais la visibilité accrue des LGBT, jeunes ou moins jeunes, seuls, en groupe d'amis ou en couples, fait qu'ils sont mieux informés, signalent aujourd'hui plus les faits, portent plainte, se mobilisent. C'est une bonne évolution quand les policiers, la justice et les médias semblent enfin s’y intéresser.

Outre le rôle clef de l’Etat, il revient aux collectivités, comme la Région ou la Ville, de sensibiliser, d’informer afin de lutter contre toutes les formes de discriminations et toutes les violences physiques sur les personnes, qui ont hélas explosé ces dernières années dans tout le pays.

Depuis bientôt 9 années entières, tout le monde peut constater que, même à Paris, les groupes des élus UMP et Nouveau Centre refusent de voter pour les subventions aux associations LGBT : ils ne se rendent même pas compte du message de rejet violent qu’ils envoient aux homos en agissant ainsi.

Nous, à gauche, nous nous battons sans résignation : la Région soutient par exemple le festival de films LGBT, elle a notamment organisé "la Semaine de l’égalité" pour mettre en relation tous les acteurs de la lutte contre les discriminations. Au passage, je ne peux que m’élever contre la décision aberrante du porte-parole du gouvernement Luc Chatel d’interdire la diffusion du film Le baiser de la lune destiné justement à lutter contre l’homophobie en sensibilisant les jeunes élèves.


Dans le même ordre d'idées, les jeunes homosexuels en rupture familiale ou rejetés par leur environnement - scolaire notamment - ne bénéficient pas d'accueil et d'accompagnement spécifiques. Que peut la région pour leur éviter la précarité, l'errance, le risque de se tourner vers la prostitution ou le suicide?

Depuis quelques années nous avons de plus en plus de signalements de jeunes LGBT (pas seulement des gays) qui sont en effet rejetés, à la rue, ou qui ont quitté leur foyer familial avant que la situation ne devienne intolérable (ils viennent non seulement de toute l'Ile de France, mais aussi de différentes régions de France).

Nous l'avons bien sûr pris en compte, même si le sujet n’a pas fait de bruit : nous avons formé de très nombreuses assistantes sociales à ces questions et des centaines de jeunes LGBT ont déjà été hébergés à Paris, même parfois de jeunes couples gays ou lesbiens.

C'est notamment le rôle de l'hébergement d'urgence, des CHRS. A Paris, la municipalité a créé 1.000 nouvelles places de 2001 à 2008, et 2.000 nouvelles places seront financées d'ici 2014. Mais j’ajoute que l’effort doit être partagé et ne doit pas porter uniquement sur les mêmes collectivités, les mêmes villes et départements : aujourd’hui Paris concentre à elle seule 50 % des toutes les places en Ile de France.

Il faudrait quand même que d’autres prennent leur part, comme les Hauts de Seine. Grâce à cet accompagnement, certains jeunes relogés ont pu réintégrer un parcours résidentiel classique et reprendre une vie plus calme, sortir aussi des risques immédiats de la rue, poursuivre leurs études ou trouver un travail.

Nous avons lancé en 2009 un appel à projets pour 250 places en "structures d'hébergement innovantes", qui peuvent répondre à des demandes encore mal couvertes, ce qui devrait intéresser des associations sociales reconnues qui travaillent depuis longtemps sur la Région et connaissent également les spécificités et contraintes de Paris. Mon ami Jean-Paul Huchon a d'ailleurs écrit à l'Inter-LGBT que la Région soutiendra aussi un tel projet d’hébergement dédié.

En matière de nombre de personnes vivant avec le sida, la région Ile-de-France détient la triste place de numéro 1 en Europe. Les contaminations reprennent chez les homosexuels.
Dans ce domaine comme dans celui des droits LGBT, ne pensez-vous pas qu'il y a nécessité de trouver de nouvelles réponses à la situation et lesquelles?


Il faut savoir que l’Ile de France détient cette triste première place depuis 1980, soit le début de l’épidémie. Reste qu’avec la gauche aux manettes, on a vraiment changé de braquet.

Je connais bien le sujet: je préside le CRIPS depuis 2004, son travail de terrain est salué par tous et je suis fière de son équipe et de son bilan. On va continuer, amplifier encore ce qu’on fait. Le budget du CRIPS financé essentiellement par la Région, ce n’est pas rien : 3,76 millions d’euros pour la seule part régionale, sur un total de 4,935 M€. Nous menons un ambitieux travail de prévention, notamment à destination des plus jeunes et, avec les associations, nous travaillons à une information plus ciblée.

En effet, depuis quelques années, la reprise des pratiques à risques et une certaine banalisation du sida m’inquiètent. Elles touchent tous les pays riches et même des gays et bi très informés. Il faut donc continuer à travailler sans relâche dans le sens de la prévention, en partenariat et en direction de tous les publics, grâce aux associations. On ne peut en effet pas agir seuls : si les associations ne martèlent pas le message de prévention et de respect envers les séropositifs, si des collectivités importantes récalcitrantes ne s'y mettent pas enfin, si l'Etat continue de baisser les budgets, on va tous ensemble dans le mur.

La Région, au travers du CRIPS, va continuer à produire des campagnes de communication innovantes, comme le concours "VIH Pocket films". A Paris ont également été lancées ces tous derniers mois deux innovations majeures : le dépistage rapide dans le 4è arrondissement, près du Marais, avec le Kiosque et le "190" par Sida Info Service (association que nous aidons depuis longtemps, alors que l'Etat leur coupe des moyens) qui est un centre de santé sexuelle innovant. Ce sont des pistes à suivre.

Il faut également remobiliser certains lieux de rencontres qui ont pu parfois baisser la garde, et que tous signent et respectent à la lettre "la charte de responsabilité" pilotée par le SNEG.

Mais comment taire mes inquiétudes devant les intentions du gouvernement pour que les Régions se cantonnent aux politiques dont elles ont la charge (les lycées, le développement économique, les transports, la formation professionnelle) ? Cela signifie clairement que, si la réforme territoriale de l’UMP était votée, nous ne pourrions plus soutenir les associations qui oeuvrent dans le domaine de la santé ou de la culture !

Je suis également très inquiète face au projet du gouvernement de supprimer 4.000 à 5.000 postes de l’AP-HP, autrement dit de valoriser une logique comptable dans les hôpitaux publics de la région, au détriment direct de la qualité des soins aux patients. En clair, cela signifie le regroupement des services dédiés à la lutte contre le sida, leur nombre risque d’être divisé par deux, et sa traduction concrète : une prise en charge des malades dans de nouveaux services moins aguerris alors que le bon suivi des patients exige au contraire de maintenir un lien continu avec les équipes médicales. La mobilisation contre ces restructurations est aujourd’hui lancée de notre côté.


Concernant le terrain déjà partiellement investi par la région de l'égalité des droits, quelles avancées nouvelles voyez-vous comme prioritaires qui entrent dans le champ des compétences de l'exécutif régional?

Ce qui me semble prioritaire, c’est le principe d’égalité des droits et de traitement dans tous les domaines, c’est un respect élémentaire que nous devons aux gays, lesbiennes et trans, au 21è siècle.

La région va accentuer sa collaboration avec la HALDE, si tant est que la droite renonce à son idée de la démolir ou de la mettre sous contrôle… Elle veut soutenir des événements et associations LGBT majeurs, que ce soit SOS Homophobie, le Mag-Jeunes, la Fédération Sportive Gay & Lesbienne ou encore le Centre LGBT. Et bien sûr l’Inter-LGBT, pas seulement à la Marche des Fiertés où je vais depuis longtemps, tous les ans.

Même si c’est hors des compétences régionales, je veux aussi me battre pour qu’enfin le mariage entre personnes de même sexe soit reconnu par la loi. Nous avons adopté le PaCS comme une première étape il y a 10 ans, face à l’hostilité haineuse de la droite et ce fut une avancée majeure que l’on doit à un gouvernement socialiste.

Mais il faut aller plus loin aujourd’hui, et il est grand temps quand on voit l’exemple de l’Espagne, de la Belgique ou du Portugal. Je milite également depuis longtemps pour que les cérémonies de PaCS puissent être célébrées dans toutes les Mairies de France ou qu’au moins, les Maires récalcitrants laissent les conseillers municipaux qui le souhaitent les célébrer. Je pense enfin que l’adoption pour les familles homosexuelles doit être autorisée car il est totalement absurde de penser que seules les familles hétérosexuelles sauraient bien élever des enfants !

Paris et l'Ile-de-France abritent une population gay importante; celle-ci compte aussi de plus en plus d'homosexuels qui vieillissent. Aucune structure n'existe à même de prendre en charge les problèmes liés au vieillissement et à la dépendance qui se posent de façon spécifique en fonction des modes de vie. Avez-vous réfléchi à cette problématique qui va prendre de plus en plus de réalité avec l'avancement en âge de générations d'homosexuels qui ont vécu les années de "libération" et se retrouveront difficilement intégrés dans les structures médicalisées ou de retraite. Sans compter les séropositifs de longue date...

Vous avez raison: j'ai d'ailleurs moi-même abordé la question des séropositifs âgés dans nos villes, dans une interview récente. Certains séropositifs ont découvert leur statut il y a 20 ans voire 25 ans et n’imaginaient pas alors qu’ils pourraient survivre. Nous devons penser à la création ou à l’adaptation d’aides, de lieux ou de formations spécifiques pour l’accompagnement de ceux qui en ont besoin.

Au-delà de cette question, il faut réfléchir à une offre de services pour les gays âgés, car beaucoup subissent un rejet et sont parfois plus vulnérables et isolés face aux préjugés envers les personnes homosexuelles. Je crois que la Région devra chercher à mieux connaître une situation encore trop peu étudiée, devra favoriser des lieux d’hébergement adaptés aux aînés LGBT et initier des réseaux de soutien entre personnes homosexuelles du 3è âge et au-delà. Sans oublier aussi de favoriser la transmission de la mémoire de celles et ceux qui ont combattu de manière pionnière ou ont collecté des documents précieux pour l’histoire. Et puis à partir d’un certain âge les couples, s’ils le souhaitent, doivent pouvoir vivre dans une structure ouverte à tous homos, hétéros.

Retrouvez les archives d'Illico / E-llico.com.

Plus 40.000 articles de la rédaction retraçant la vie de la communauté LGBT dans les domaines politique, sociétal, culturel et sanitaire de 2001 à 2022.

Tapez un mot-clé exprimant votre recherche dans le moteur de recherche ci-dessus.