Wan Yanhai, militant gay et anti-sida, témoigne de la situation des homos - Chine

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Wan Yanhai, militant gay et anti-sida, témoigne de la situation des homos

Wan Yanhai, dissident chinois et militant gay et anti-sida, était à Paris le week-end dernier à l'invitation de "Queen Boat", un groupe de travail du Parti Socialiste. Un correspondant d'E-llico l'a rencontré et interrogé sur la situation des gays en Chine. Compte-rendu.

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Wan Yanhai, militant gay et anti-sida, témoigne de la situation des homos
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Mis en ligne le 23/05/2011

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Wan Yanhai a répondu samedi 21 mai à l'invitation du groupe de travail "Queen Boat" qui fait partie intégrante du "Laboratoire des Idées" du Parti Socialiste. "Queen Boat" réfléchit en particulier aux moyens d'actions pour la défense des droits des gays dans le monde entier et veille à la situation des gays dans la plupart des pays.

Wan Yanhai est le principal militant gay et de lutte contre le sida chinois et l'un des dissidents chinois les plus connus au monde. Il est exilé aux Etats-Unis, où il bénéficie de l'asile politique par le gouvernement américain.

Récemment, il était à Oslo pour assister à la remise du prix Nobel de la Paix pour son collègue et ami Liu Xiabo (prix Nobel de la Paix 2010). C'est un blogueur et un cyber-dissident de tout premier plan. Il est l'un des principaux signataires de la Charte 08.

Un correspondant d'E-llico.com l'a rencontré et interrogé sur la situation des gays et des séropostifs en Chine.

Sur une évoultion du régime vis-à-vis des gays

Aujourd'hui, la pornographie est utilisée comme seul argument pour l'interdiction des sites web LGBT en Chine, ainsi que les publications (presse, ouvrages), les émissions de télévision ou les évènements "gayfriendly", estime Wan Yanhai. Il n'y a donc pas selon lui d'attaque directe de la population LGBT autour de l'orientation sexuelle mais l'utilisation d'un argument détourné pour mettre fin à toute tentative de visibilité.

Globalement, tout est relativement possible en terme d'évènements, d'établissements LGBT tant que cela n'est pas visible et qu'il n'y a pas de publicité autour, explique Wan Yanhai. La tolérance vis-à-vis des gays progresse, selon lui.  C'est la visibilité que les autorités redoutent et elles font tout pour éviter le développement d'une "communauté" gay organisée - même si ce n'est pas spécifique à l'homosexualité. C'est une règle générale sur toute tentative de visibilité autour d'un "combat" en Chine.

Le mariage gay

Concernant le mariage gay, paradoxalement, Wan Yanhai ne pense pas que le gouvernement s'y opposerait - mais il n'en serait pas non plus un fervent défenseur. Pour le gouvernement, le meilleur moyen de garder les choses sous contrôle est de "tolérer" pour éviter tout développement d'une force organisée autour d'une revendication communautaire, selon lui. Se montrer "gayfriendly" pourrait leur attirer les foudres des mouvements religieux, qui eux arrivent à s'organiser, pense-t-il.


A propos de l'usage d'Internet

Concernant internet, depuis 2009, un logiciel espion équipe
obligatoirement tous les ordinateurs vendus en Chine (Green Dam Censorware System), un véritable mouchard que le gouvernement peut utiliser pour contrôler l'activité de tout ordinateur connecté sur internet et interdire l'accès aux sites "blacklistés", affirme Wan Yanhai. Il est donc de plus en plus difficile d'avoir des sites d'information à destination de la population LGBT, explique-t-il. C'est une course sans fin pour déplacer en permanence les sites vers d'autres serveurs informatiques, à Hong-Kong, en Europe ou aux USA.

La menace des réseaux sociaux

Pour Wan Yanhai, la Chine est terrorisée par la montée en puissance des réseaux sociaux sur Internet, qui sont le terreau d'une organisation de la population à grande échelle. Car il y a beaucoup d'activistes en Chine, de gens qui veulent changer les choses. Mais le problème principal reste leur capacité à communiquer entre eux, à s'organiser et à se rendre visible. Pour l'instant, le gouvernement arrive à maintenir tout cela sous contrôle. Mais la montée en puissance des systèmes de réseaux sociaux en ligne, de microblogging les inquiète au plus haut point. Si les choses peuvent bouger, c'est bien grâce à ces technologies. Mais le gouvernement l'a compris depuis bien longtemps. Dès qu'un activiste est détecté, il est placé en hôpital psychiatrique "dans son intérêt". L'argument est donc la plupart du temps un "désordre psychique".

La diaspora chinoise et les gays

Wan Yanhai remarque un silence "notable" de la diaspora chinoise à l'étranger. Une fois qu'ils ont réussi à quitter le pays, les individus restent silencieux et cherchent avant tout à s'intégrer dans leur pays d'accueil. Il y a donc peu de soutiens depuis l'étranger.

Pour Wan Yanhai, il faudrait aider au développement depuis l'étranger de magazines et de sites web en chinois ciblant la population LGBT. Ce qui rendrait plus difficile leur contrôle. Aider au développement d'activités économiques qui ne seraient pas liées à la prostitution ou la pornographie, afin de réduire les interdictions pour ces motifs. Aider à la distribution de préservatifs, notamment auprès des étudiants. Et de manière générale, aider à l'organisation
d'associations très locales. Eviter une visibilité globale qui
s'attirerait les foudres des autorités.

Le sida

Concernant le HIV, il y a un double problème important selon Wan Yanhai : la non-distribution de préservatifs et l'absence de prévention, notamment auprès des jeunes. La prévention à l'école est quasi-inexistante. La plupart des enfants ne reçoivent d'ailleurs aucune éducation sexuelle.
Il note cependant que dans un des rares ouvrages autorisés sur le sujet, les relations entre personnes de même sexe sont évoquées. "Un progrès notable" dit-il.

Les droits civils préalables à l'égalité des droits

Pour conclure, Wan Yanhai rappelle que se battre pour les droits des gays, c'est avant tout se battre pour les droits civils de la population. Il faut d'abord résoudre le problème de la liberté d'expression et de droits de l'homme pour ensuite arriver à une égalité des droits.

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