Hépatite C
Bras de fer entre Médecins du Monde et Gilead sur son nouveau médicament
Médecins du Monde (MdM) a engagé mardi un bras de fer avec le laboratoire américain Gilead pour contester le prix exorbitant du sofosbuvir, son traitement novateur contre l'hépatite C, et l'inciter à accepter des génériques, une première en Europe selon l'ONG française.
E-llico.com / Santé / VIH
Bras de fer entre Médecins du Monde et Gilead sur son nouveau médicament
Hépatite C
Mis en ligne le 11/02/2015
Tags
Hépatite C Traitement Gilead Médecins du monde
Sur le même sujet
Le sofosbuvir, le premier d'une nouvelle génération efficace de médicaments
Médecins du Monde conteste le brevet de Gilead pour faire baisser les prix
MdM a déposé un "mémoire d'opposition au brevet" du sofosbuvir, dont le nom commercial est Sovaldi, auprès de l'Office européen des brevets, organisme qui délivre et protège les brevets industriels dans 40 pays européens.
L'objectif de MdM est de permettre la production de versions génériques en Europe bien plus abordables pour ce traitement efficace et sans effet secondaire, mais vendu en France au prix de 41.000 euros pour la cure standard de 12 semaines.
L'ONG, qui affirme être la première en Europe à se lancer dans une telle croisade pour "améliorer l'accès des patients à un médicament", s'attend à une bataille juridique d'un an ou deux mais se déclare "confiante sur le rapport de force".
"On sait qu'on a de bons arguments (...). On a des éléments objectifs pour remettre en question ce monopole", déclare à l'AFP Jean-François Corty, directeur des opérations France de MdM.
Sollicité, Gilead n'a pas souhaité commenter l'information. Le laboratoire avait justifié, en 2014, le prix de son médicament en soulignant qu'il offrait une "thérapie courte" capable de soigner définitivement la maladie alors que les traitements classiques, moins efficaces, étaient administrés sur le "long terme".
Porté "principalement" par les ventes de Sovaldi, Gilead Sciences a multiplié par deux son chiffre d'affaires en 2014, à 24,9 milliards de dollars (22 milliards d'euros), et par quatre son bénéfice net, à 12,1 milliards de dollars (10,7 milliards d'euros).
MdM dénonce le coût faramineux de ce médicament pour les systèmes publics de couverture sociale en Europe. "Un prix aussi important va déstabiliser le système de santé déjà mis en difficulté par le contexte économique et va impliquer une forme de rationnement", souligne M. Corty.
Au prix actuel du sofosbuvir, soigner par exemple tous les patients qui en auraient besoin en France coûterait plus de 5 milliards d'euros, soit 20% du budget consacré par la Sécurité sociale aux médicaments, selon les calculs de MdM.
Rachat à 11 mds de dollars
MdM estime que "Gilead abuse de son brevet pour exiger des prix insoutenables pour les systèmes de santé" alors que cette molécule, "fruit de travaux de nombreux chercheurs publics et privés, n'est pas suffisamment innovante pour mériter un brevet".
Le sofosbuvir a été développé par la start-up américaine Pharmasset, grâce en particulier aux découvertes de l'Université publique de Cardiff au Pays de Galles, selon MdM.
Cette start-up a été rachetée fin 2011 pour 11 milliards de dollars (9,7 mds d'euros), une somme record avant tout justifiée par des perspectives de bénéfices élevés pour les molécules qu'elle mettait au point.
"L'idée n'est pas de se +faire+ Gilead (...) mais on ne veut pas de situation où des laboratoires nous font payer le prix de spéculations financières", commente Jean-François Corty.
Même si l'ONG gagne sa bataille juridique, il n'est pas certain que les malades européens puissent accéder rapidement à des versions génériques du sofosbuvir.
En effet, Gilead a déposé d'autres brevets pour protéger son traitement qui sont en cours d'examen. Ils n'ont pas été officiellement accordés par l'Office européen des brevets mais pourraient à l'avenir bloquer la production de génériques sur le continent.
D'autres molécules concurrentes du sofosbuvir, avec le même mode d'action novateur contre le virus de l'hépatite C, arrivent sur le marché à des prix également très élevés.
Mais MdM ne compte pas s'attaquer à ces autres traitements. "Cette procédure a un coût. Ce n'est pas la mission de Médecins du Monde de poursuivre chaque laboratoire devant les tribunaux", observe Céline Grillon, une des responsables de l'ONG.
"Mais la question que l'on soulève aujourd'hui va au-delà du simple sofosbuvir. C'est celle des coûts des médicaments et de l'utilisation abusive du système des brevets", explique-t-elle.
(Source AFP)