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Le coût de médicaments révolutionnaires met en péril les systèmes de santé

Ils ont redonné espoir à des millions de malades. Mais les traitements innovants, comme ceux qui soignent l'hépatite C, sont si chers qu'ils ne peuvent être assumés par les patients et mettent en péril les système de santé.

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Mis en ligne le 26/05/2016

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Le défi se pose au monde entier et le président français François Hollande veut mettre le sujet sur la table au sommet du G7 qui s'ouvre jeudi au Japon, indique-t-on de source diplomatique.

En Espagne, des malades de l'hépatite C ont occupé pendant trois mois en 2015 un grand hôpital de Madrid, exigeant "des traitements pour tous", et accusant l'Etat de "tuer" les patients auxquels il refusait un traitement de pointe, le Sovaldi, très efficace mais très coûteux.

Le gouvernement a finalement débloqué un milliard d'euros pour la prise en charge des patients les plus atteints, quelques mois avant les élections législatives. A la mi-mai, 51.900 malades sur 472.000 porteurs du virus avaient reçu le traitement novateur.

Mais à en croire le ministre des Finances Cristobal Montoro, cette dépense non-budgétée a contribué au dérapage du déficit public en 2015.

La France, qui a promis mercredi un "accès universel" à ce type d'"anti-viraux à action directe", a aussi déboursé 1,5 milliard d'euros entre mi-2014 et juin 2015. Les caisses allemandes 1,3 milliard en 2015. En Allemagne, cela a entraîné un tel débat que le gouvernement prépare un projet de loi pour encadrer les prix.

Avec leur prix initial de lancement, ces médicaments représentent "un choc pour les dépenses de santé de beaucoup de pays", constate Valérie Paris, spécialiste des politiques de Santé à l'Organisation pour la Coopération et le Développement (OCDE).

Le Sovaldi, fabriqué par le laboratoire américain Gilead, coûtait, lors de son lancement en 2013, 84.000 dollars pour la cure de 12 semaines aux Etats-Unis, 56.000 euros en France. 

Le coût de la santé, longtemps un problème de pays pauvres, concerne maintenant les pays développés, souligne Yannis Natsis, de l'Alliance européenne pour la santé publique (EPHA), plateforme d'ONG basée à Bruxelles.

Le traitement de l'hépatite C  n'est pas seul en cause. Aux Etats-Unis une centaine d'oncologues ont dénoncé en 2015 dans la revue Mayo Clinical Proceedings, "le prix moyen des nouveaux médicaments contre le cancer (...) multiplié par cinq ou dix ces quinze dernières années", et qui dépasse les 100.000 dollars.

"Comment refuser un traitement qui sauve la vie ?", s'interroge Valérie Paris.

Révolution thérapeutique

L'hépatite C, une maladie virale transmise essentiellement par le sang qui peut entrainer cirrhoses et cancers du foie, concerne 130 à 150 millions de personnes dans le monde.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé, 500.000 personnes meurent annuellement de ses complications.

Jusqu'en 2013, les malades ne disposaient que d'un seul médicament au taux de réussite inégal et aux effets secondaires très durs. "J'ai eu une dépression si forte que je pensais au suicide (...) ", témoigne Antonio Rodriguez, un malade espagnol de 69 ans. 

Le traitement développé par Gilead, sous les noms de Sovaldi puis de Harvoni, a un taux de réussite de 90% et est presque sans effets secondaires. D'autres laboratoires ont suivi et les prix ont baissé.

En Espagne, le traitement coûterait désormais 13.000 euros selon une association de patients.

Grâce aux avancées médicales, l'espérance de vie des Européens a gagné trente ans en un siècle.

Mais les dépenses seront encore tirées vers le haut par "la population vieillissante et les maladies chroniques, soumettant nos systèmes à une pression sans précédent", constate aussi dans une réponse écrite à l'AFP, la European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations, organisme représentant l'industrie pharmaceutique à Bruxelles.

Prix opaques

En 2014, Gilead a rentabilisé son investissement de départ -- l'achat de la société Pharmasset, détentrice du brevet. Son cours en bourse a triplé entre 2013 et 2015. Les laboratoires s'appuient sur les brevets pour fixer le "prix que le marché peut encaisser", estime Yannis Natsis.

L'industrie pharmaceutique, qui employait directement 707.000 personnes rien que dans l'Union européenne en 2014, insiste sur les vies sauvées et les économies et en traitements évités.

Gilead a expliqué à l'AFP négocier des tarifs "pays par pays en tenant compte du poids de la maladie, des ressources de l'Etat et l'engagement du gouvernement à investir dans la prise en charge des malades".  En Egypte, où 15% de la population a l'hépatite C, Gilead le vendrait à moins de 1.000 euros selon plusieurs spécialistes.

Mais "ces négociations entre Etats et laboratoires sont opaques et les études coût/efficacité sur lesquelles elles se fondent parfois contestées", relève Sophie Thiebaut, professeur à l'université Carlos III de Madrid et chercheuse au sein du réseau THEN de spécialistes de l'Economie de la Santé.

La vie n'a pas de prix 

Certains Etats s'appuient sur des calculs encore artisanaux et quantifient "le prix d'une année de vie en bonne santé", 40.000 euros en Espagne, selon elle. Si le médicament est plus cher, ils ne payent pas.

"L'argument +la vie n'a pas de prix+ est dangereux pour les finances publiques", dit-elle. D'autant que les associations de patients peuvent être manipulées par des labos qui les financent.

"Les labos sont dans une logique financière (...) il faut taper du poing sur la table", répond Chloé Forette, de Médecins du monde (MDM).

MDM prône l'instauration d'une licence obligatoire, qui permettrait de copier le Sovaldi dont le coût réel, hors frais de recherche, ne dépasserait plus 100 euros selon elle.

"Il faut changer le rapport de force avec les industriels", insiste Valérie Paris de l'OCDE. Les Etats de l'UE pourraient acheter et négocier ensemble. Et la question de la réforme des brevets est aussi posée, y compris aux Etats-Unis. 

(Source AFP)

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