Hongrie
L'inquiétude de la communauté LGBT+ vue comme une ennemie
Dorottya Redai, militante LGBT+, combat l'homophobie dans les écoles, mais elle ne sait pas si elle pourra poursuivre sa mission à la rentrée, alors qu'entre en vigueur jeudi en Hongrie une loi bannissant la diffusion de contenus sur l'homosexualité auprès des mineurs.
E-llico.com / Actus
L'inquiétude de la communauté LGBT+ vue comme une ennemie
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Mis en ligne le 08/07/2021
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Pour cette activiste de 48 ans, ce n'était pourtant pas une surprise après des années de politique hostile à sa communauté. Le parti au pouvoir, le Fidesz, "a commencé à éliminer toute référence aux minorités sexuelles ou au genre dans le programme scolaire", raconte-t-elle. "Comme si les genres ou les gays n'existaient pas". Puis ils ont "assimilé l'homosexualité à la pédophilie", dénonce cette responsable de l'association lesbienne Labrisz, rappelant que les amendements décriés ont été intégrés à un arsenal de mesures "anti-pédophiles".
Si certains ont dressé la comparaison avec la loi russe qui punit tout acte de "propagande" homosexuelle, le texte hongrois ne prévoit pour sa part pas de sanctions proprement dites. Certes, il est écrit que désormais les instructeurs devront être agréés par l'Etat mais les dispositions sont "vagues", souligne Dorottya Redai, qui craint en fait surtout "l'auto-censure". "Les professeurs ne nous inviteront plus dans les écoles par peur d'avoir des problèmes avec les parents ou le rectorat", s'inquiète-t-elle.
Avec son association, elle a parcouru depuis 2004 des dizaines d'établissements pour apprendre aux jeunes "à connaître les gens LGBT". "Les enfants parlent beaucoup du sujet mais c'est encore tabou pour la plupart des enseignants qui ne sont pas formés à aborder de telles questions", dit-elle. Aux élèves, elle "parlent de discrimination ou des maltraitances contre les personnes homosexuelles et transgenres". Aux professeurs, elles donnent des conseils et distribuent des manuels. "Le lieu où l'enseignement est prodigué a de l'importance", insiste la militante, qui met en garde contre le recours à internet, "pas toujours la meilleure source".
"Propagande"
Depuis son retour au pouvoir en 2010, le Premier ministre Viktor Orban a entrepris de transformer la Hongrie en un bastion des valeurs "illibérales", par opposition à des démocraties occidentales jugées dévoyées. Dans ce pays qui était l'un des plus progressistes de la région, le dirigeant souverainiste a durci au fil des ans les mesures visant la communauté LGBT+ même s'il a assuré, face au tollé, que cette nouvelle loi n'était "pas homophobe" mais visait simplement à "protéger les enfants" de toute "propagande".
"Laissez nos enfants tranquilles", avait-il lancé en octobre après la parution d'un recueil de contes et légendes revisité par Labrisz, transformant par exemple Cendrillon en garçon gay. "Personne, hormis les parents, ne devrait avoir son mot à dire dans l'éducation sexuelle des enfants", a insisté mercredi le gouvernement dans une déclaration transmise à l'AFP.
Selon les analystes, il s'agit là surtout d'une manoeuvre politique pour renforcer la base électorale du Fidezs, à quelques mois d'élections législatives qui s'annoncent disputées. "En réalité, il est peu probable que la loi soit vraiment appliquée. Nous assistons à une provocation, à du théâtre pour attiser le conflit et polariser la société", commente Bulcsu Hunyadi, analyste du groupe de réflexion Political Capital.
Viktor Orban aime "brandir des ennemis, de l'UE aux ONG, en passant par les migrants, les demandeurs d'asile et George Soros", le milliardaire juif américain qui est son bouc-émissaire favori. "Maintenant que la pandémie de Covid-19 semble refluer et que le scrutin approche, le récit anti-LGBT+ prend de l'ampleur", poursuit-il, regrettant que le dirigeant hongrois "joue avec la vie des citoyens pour un gain politique de court terme".
Depuis l'adoption de la loi mi-juin par le Parlement, plusieurs attaques homophobes ont été recensées. "Dans un climat politique qui fait de vous l'ennemi, les LGBTQ+ qui n'ont pas encore révélé leur homosexualité, en particulier ceux qui vivent à la campagne, doivent être terrifiés", souffle Dorottya Redai.
Rédaction avec AFP
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