"Zapatero !" est devenu en Italie l’insulte suprême et Romano Prodi n’a cessé de l’entendre ces dernières semaines. Depuis qu’il a parlé d’un PaCS à l’italienne, le leader de la gauche est assimilé au chef du gouvernement espagnol par tout ce que l’Italie compte de fervents catholiques (et il y en a). Son projet n’a pourtant que peu à voir avec ce qu’a réalisé son homologue espagnol. Pas question de marier les gays et les lesbiennes ! Juste de leur proposer un statut similaire à notre PaCS : un contrat ouvert aux homos comme aux hétéros et qui oblige à la solidarité réciproque. Et encore : il ne s’agit que de la promesse d’inscrire ce projet dans le programme électoral de la coalition de gauche en vue des législatives de l’an prochain !

Alors que l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique marient les homos, que la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Portugal reconnaissent les couples gays et lesbiens, l’Italie en est encore au stade des promesses. Et ça fait des vagues ! L’Eglise catholique par la voix de son chef, le cardinal Camillo Ruini, dénonce ce "PaCS à la française" et y voit "un petit mariage". Les Verts soutiennent Prodi quand le centre-gauche considère qu’il va trop loin, la très conservatrice Ligue du Nord monte au créneau tandis que l’Alliance Nationale (tout aussi à droite) semble moins réticente. "Ça crée un énorme débat dans la presse, se réjouit Sergio Lo Guidice, président d’Arcigay, la principale association homo en Italie. Tous les commentateurs et leaders d’opinion s’occupent du PaCS et des couples gays. Pour la première fois, ces mots sont en première page des journaux. Ça, c’est déjà un grand pas en avant !".

Et il y a du chemin à faire : d’après un sondage publié par le quotidien "La Repubblica", seulement 31 % des Italiens sont favorables au PaCS pour les homos, et 29 % à ce qu’on leur ouvre le mariage. Pour les convaincre, le mouvement LGBT italien a d’ailleurs décidé de manifester fin novembre en faveur de la reconnaissance des couples homos.

Mais tout se jouera l’an prochain. Pour l’instant, les enquêtes d’opinion donnent Prodi largement gagnant face à Berlusconi — Prodi a d’ailleurs gagné les primaires à gauche, le week-end dernier. Et même si Berlusconi est en train de modifier la loi électorale pour limiter les dégâts, la gauche a des chances de l’emporter. Sera-t-elle alors suffisamment unie pour voter le PaCS ? "Je crois que oui, répond Sergio Lo Guidice. Même si nous devrons affronter un ultime obstacle : les catholiques du centre gauche. Ils voudront certainement une loi qui crée seulement un contrat de type privé, sans reconnaissance publique du statut de couple. C’est la position suggérée par le Vatican, mais qui ne convainc pas la majeure partie de la gauche". Ouf !

>> Peu de droits

Le seul texte de loi qui concerne les homos en Italie est un décret législatif de 2003 contre les discriminations homophobes au travail. Et encore, Rome a été contraint par Bruxelles de faire passer ce texte et en a rendu l’application difficile. Au niveau régional, la Toscane dispose d’une loi contre les discriminations homophobes et transphobes, tandis que deux autres régions gouvernées par le centre-gauche (le Piémont et l’Emilie-Romagne) y travaillent.

Julien Picquart

Mis en ligne le 18/10/05